Aïla rit :

"Bien sûr que oui !"

Elle déchargea les quelques affaires que Neyle portait. La petite jument se dirigea directement vers l'étang pour s'y rouler avec délectation. Aïla sourit et la regarda les yeux brillants. Elle avait également envie de se débarrasser de toute la poussière des routes de terre. La jeune femme repéra un endroit plus profond pour plonger, et dans ce but fit un geste pour retirer sa tunique.
Aïla se figea, se rappelant soudain de la présence d'Envel. Les joues roses, elle se contenta de sortir une couverture pour dormir et ses provisions qu'il lui restait.

"Il faudra que j'achète de quoi manger demain, la chasse est interdite aux abords de la ville..."

Restait à trouver l'argent. Mais Aïla n'était pas inquiète : Elle trouverait de quoi en gagner, comme elle l'avait toujours fait.
Neyle était sortie de l'eau et broutait tranquillement.

Envel regarda la jument d'Aïla se rouler dans l'eau avec le souvenir amer des chevaux dont il s'occupait avec ses parents. Il vit ensuite la jeune fille s'approcher de l'eau, esquisser le geste d'enlever sa tunique...
Le garçon arrêta un instant de faire tourner son arme. Allait-elle... ?
Aïla se rendit soudain compte de son geste et le suspendit en rougissant. Envel eut un léger sourire.
Il leva ses yeux vers le ciel piqueté d'étoiles. N'ayant pas sommeil, il ramassa un enième morceau de bois qu'il se mit à tailler pensivement.
Il devait l'avouer. Il n'arrivait pas à oublier le cri de sa mère à sa vue, le geste de son père tellement... terrible...
Et le regard de sa soeur. Ce regard vert qu'il détestait voir pleurer.
Et qu'il avait fait pleurer. En revenant.
La main d'Envel se crispa sur son poignard.
Il repensa aux paroles d'Aïla.

"...Pas de 'chez soi' ? Pas de personne à qui se raccrocher, quelqu'un chez qui on est sûr d'être accueilli quelque soit le moment, quelqu'un qui pense à vous, qui vous aime sans condition ? Pas d'endroit où l'on revient avec bonheur ? Pas de famille ?"

Le poignard émit un claquement sec quand le jeune homme le rengaina brusquement.
Plus de famille.
Envel se laissa glisser à terre. La tête appuyé contre l'arbre, les yeux levés vers le ciel, il poussa un profond soupir.
Seul.

Aïla fit le tour de la petite clairière, longeant le lac. C'était apparement un lieu apprécié, et elle distinguait quelques traces d'hommes et de chevaux. La jeune femme cherchait en fait de quoi faire un feu, mais l'étang rendait le bois mort humide... Et les buissons épineux l'empêchaient parfois d'aller voir sous les arbres...
Buissons ?...
Des framboises !
Aïla sourit et s'approcha vivement des fruits. Dans le noir, elle les avait à peine vus ! Elle détacha délicatement une framboise pour la goûter... Délicieuse ! Aïla adorait les framboises, et celles ci était particulièrement bonnes ! Envel aimait-il ? Aïla se posa la question, ne put trouver de réponse. Alors, toujours souriante, elle en cueilli une petite quantité. Bon d'accord, elle en cueilli autant qu'elle le pouvait ! L'obscurité ne rendait d'ailleurs pas la chose facile...
Finalement, elle revint vers Envel, Neyle et leurs affaires de son pas dansant, non pas chargée de bois, mais de framboises sucrées !

En voyant Envel assis, perdu dans ses pensées, son sourire s'évanoui. Elle s'approcha, s'agenouilla devant lui. La jeune femme leva doucement la main, la posa sur la joue de son ami pour croiser son regard.
~Quelqu'un qui vous aime sans condition~
De si beaux yeux qui contenaient tellement de tristesse.
De solitude.

"Tu n'es pas seul, Envel. Je suis là..."

*...Je serais toujours là, chaque fois que tu le voudras.*
~Quelqu'un qui vous accueille toujours avec joie~
Aïla lui sourit et lui montra son autre main en s'assayant plus confortablement sur le sol :

"J'ai cueilli des framboises pour toi. Aimes-tu ?"

~Quelqu'un qui pense à vous~

Envel n'avait pas vu Aïla s'approcher. C'était sans doute la première fois que quelqu'un le prenait au dépourvu.
Surtout de cette façon-là.

"Tu n'es pas seul, Envel. Je suis là..."

Le garçon leva les yeux.
C'est vrai. Elle était là. Depuis qu'il l'avait rencontré, elle avait toujours été là.
Elle lui montra, dans le creux de sa main, une poignée de framboises sauvages.
# Les fruits sauvages, les lieux inexplorés. #
Envel saisit alors l'autre main d'Aïla. Geste impulsif, dérisoire, d'une reconnaissance infinie.
Il la serra brièvement. Planta ses yeux violets dans ceux de la jeune fille.

- "Oui. J'aime."

Aïla fut surprise par le geste d'Envel, lâcha quelques framboises qui roulèrent sur le sol. Elle ne s'en apperçu pas, de nouveau happée par son regard. Si intense. Elle avait l'impression qu'il la transperçait, mais ne pouvait s'en défaire. La jeune femme serra la main d'Envel en retour.

"Oui, j'aime."

Aïla rougit et baissa les yeux. Elle ne savait pas comment interprêter les paroles du jeune homme, mais son coeur n'en avait cure : il battait vite sous son ses yeux mauves. Un murmure passa doucement ses lèvres :

"Tant mieux... Je n'en étais pas vraiment sûre."

La jeune femme, encore plus troublée, retira sa main de celle d'Envel pour y mettre les fruits rouges. Elle lui sourit, les joues brulantes.

"Alors prend les toutes. Elles sont délicieuses !"

Envel reçut les fruits dans ses mains en coupe. Il posa ses yeux sur Aïla qui rougissait, l'air troublé.

- "Merci, Aïla."

Merci pour ces fruits. Merci pour être restée. Merci pour t'être trouvée dans ces grottes, quelques jours auparavant.
Merci pour tout.
Mais ça, il ne le dit pas. Il se contenta de savourer les framboises sauvages, avant de s'allonger sur le dos, le regard rivé sur le firmament.
Au bout d'un certain temps, il s'endormit.

Envel s'était endormi. Aïla ne put s'empêcher de revenir l'observer un instant, intriguée. Il avait perdu cette expression impassible pour une plus... paisible. Aïla sourit doucement, puis s'allongea sur sa couverture.
Pourtant, la jeune femme n'avait pas vraiment sommeil. Elle finit bientôt par se relever et, après un dernier regard à la silouhette immobile du jeune homme, se déshabilla sans un bruit. Le ciel noir se reflétait à la surface du petit lac, et celui semblait rempli d'étoiles. Elle s'approcha du bord, à l'endroit exact repéré un peu plus tôt, et plongea.
Pas une vague.
A peine un léger clapotit qui se perdit dans le silence de la nuit. Aïla n'avait provoqué que quelques rides qui disparurent presque aussitôt. Elle se laissa glisser dans l'univers fluide de l'eau.

Avant de comprendre le Vent, Aïla s'était demandée si son élément n'était pas l'eau. Aujourd'hui encore, elle l'aimait énormément. Pour elle, l'eau était en fait l'élément le plus proche de l'air. Elle volait dans l'eau comme elle aurait aimé le faire dans le ciel, jouant dans les vagues comme dans les bourrasques, se laissant doucement entrainer par le courrant comme par les légères brises.

Là, l'eau du lac était calme et immobile. Un monde de silence et de lenteur. De quiétude reposante.
Aïla toucha rapidement le fond de l'étang, et se mit sur le dos pour se laisser lentement remonter à la surface.
Regarder les étoiles depuis le fond de l'eau.
La jeune femme perça doucement le miroire sombre, immobile, sa peau claire presque blanche sous le regard de la lune. Entre air et eau. A la limite de deux mondes si différents, et pourtant si semblables...
Aïla ferma les yeux, bercée par les vagues imperceptible et les murmures du Vent.

C'est le froid qui la décida à sortir. La nuit, le soleil ne réchauffait plus sa peau. Elle revint vers le bord, égouttant ses boucles blondes, et sortit de l'eau.
Soudain, un éclat de lumière attira son regard. Rejetant ses cheveux dans son dos, la jeune femme se pencha sur la berge et ramassa la pierre. Elle l'observa avec stupeur : Comme elle était belle !
Aïla n'en distinguait pas vraiment toutes les nuances des couleurs dans l'obscurité, mais elle lui faisait pensé à de l'ambre... Pourtant, toutes sortes de teintes, du rouge profond à l'or, s'y mélangeait. Et surtout...
Surtout, Aïla s'émerveilla devant ces minuscules étoiles qui s'y entrelaçaient. Elle avait d'abord cru que la pierre reflétait les lumières du ciel mais non, c'était de minuscules éclats, à l'intérieur, qui la concentraient et la faisaient ainsi briller.

Aïla la fit doucement tourner entre ses doigts. Elle paraissait chaude sur sa peau. Puis, la serrant dans sa paume, elle retourna vers ses affaires pour la ranger précieusement dans sa saccoche. Attrappant une serviette, elle se secha rapidement puis enfila une tunique propre.

Quand elle se recoucha, ses boucles d'or toujours dégoulinantes sur les épaules, Aïla s'endormit presque instantanément, le sourire aux lèvres. Juste après un dernier regard sur la silhouette près d'elle, toujours immobile.

Envel se réveilla aux premières lueurs de l'aube, d'un sommeil sans rêve.
Il s'étira, se passa la main dans les cheveux et frissonna. L'herbe était couverte de rosée, ses vêtements étaient trempés.
Fouillant silencieusement dans son sac, le garçon en sortit une chemise et un pantalon, et se changea rapidement.
Il s'approcha de l'étang, s'agenouilla. Son reflet lui apparut, avec, au milieu d'un visage fin à la peau claire, deux grands yeux violets, impassibles.
Envel plongea ses mains dans l'eau froide. Il se lava brièvement le visage et le cou, repensant malgré lui à sa réaction quand il avait aperçu son reflet il y a... non, ça ne pouvait pas être hier !
Le jeune homme jeta un long regard à Aïla qui dormait encore, enroulée dans sa couverture.
Une simple présence. Qui avait tout changé.
Le Vent souffla, faisant onduler ses cheveux cuivrés. Envel leva les yeux.

# Tu lui diras, n'est-ce pas ?.. #

Le Vent se fit plus fort. Le jeune homme reposa son regard sur Aïla.

# Qu'elle est merveilleuse... #

Le Vent tourna un instant autour d'Envel, avant de repartir vers Aïla. On avait l'impression qu'un tourbillon se formait autour d'elle, mais il était plein de douceur, faisant délicatement voler ses boucles blondes autour de son visage fin. La jeune femme se recroquevilla dans son sommeil avant de s'ouvrir comme une fleur pour se redresser souplement.
Elle souriait.

Aïla s'étira, se frotta les yeux. La couverture l'avait à peine protégée de l'humidité matinale. Mais quel Vent agréable... Elle regarda autour d'elle, remarqua enfin le jeune homme. Son sourire s'élargit :

"Bonjour, Envel."

Elle se leva, rit quand le Vent joua de nouveau avec ses cheveux. Mais ce n'était pas un simple vent, celui-ci portait... des sentiments... Ils étaient un peu 'flous', elle avait du mal à les comprendre, mais Aïla y percevait de la gratitude. Beaucoup de gratitude. Et puis...
Autre chose ?

Soudain une pensée traversa son esprit. Elle leva son visage et croisa le regard d'Envel avec un sourire et les yeux pétillants :

"Ce Vent, c'est toi qui me l'as envoyé n'est ce pas ?"

Mais pourquoi le Vent l'avait-il fait ? Envel n'était pas de cet élément... D'habitude, il ignorait tout simplement les personnes qui ne le comprenaient pas, comme l'eau ignorait Aïla. Pourtant... Oui, cette incompréhension expliquait le fait que ses sentiments lui paraissent moins clairs. Mais pourquoi le Vent avait-il fait l'effort d'essayer de les comprendre ?!
Soudain le Vent reprit son balet autour d'elle, sifflant à ses oreilles. Aïla ferma les yeux, écoutant ce qu'il voulait lui dire.

~Son visage. Radieux : 'Envel !'
Son visage, souriant : 'Envel'
Son visage, inquiet : 'Envel ?!'
Son visage, pensif : 'Envel...'
Son visage, les yeux brillant : 'Envel'
Son visage, heureux : 'Envel'
'Envel'
'Envel ?'
'Envel !'
'Envel'
...~

Aïla rougit sans oser rouvrir les yeux. A voir les souvenirs que le Vent lui montrait, elle comprenait maintenant pourquoi son père disait qu'on lisait en elle comme dans un livre !
...
Elle l'avait vraiment dit tant de fois ?
Il était vraiment à ce point présent dans ses pensées ? Et son visage... Même avec tou ces sentiments différents, elle voyait bien qu'elle avait chaque fois... du bonheur dans ses yeux.

Le Vent souffla de nouveau, Aïla ouvrit les yeux. Ainsi, il avait fait ça pour elle. Le Vent ne se souciait pas directement d'Envel. Non, il le faisait par ce qu'i savait combien le jeune homme était important pour elle.
Haaa ! Voilà qui était embarrassant !
Aïla secoua la tête comme pour mieux se réveiller. Même si en fait elle l'était déjà bien assez ! Puis elle sourit à Envel :

"Merci. Il était très beau."

Elle se prépara rapidement, s'occupa de Neyle et rassembla ses affaires. Les portes deFirewall devaient être ouvertes depuis un moment...


HJ/ ça va comme ça ? ^^

Aïla était levée. Elle écoutait le Vent. Elle comprit, à demi-mots, le message.
A demi-mots seulement. Même Envel ignorait vraiment ce qu'il avait envoyé.

# Merci. #

Il ne comprenait pas vraiment pourquoi le Vent avait choisi de transmettre les pensées d'un qui n'était pas de son élément. Mais cela suffisait à Envel. Il se leva, rangea ses affaires. De son côté, Aïla s'apprêtait à en faire autant.

"Merci. Il était très beau."

Le garçon leva les yeux et lui adressa un demi-sourire.
Ils se dirigèrent d'un pas tranquille vers Firewall, dont les portes, cette fois, étaient ouvertes. Une fois à l'intérieur, Envel regarda autour de lui.

- "Tu voulais aller à la bibliothèque, n'est-ce pas ?"

Aïla réfléchit tout en marchant :

"Chercher un endroit où dormir ces quelques jours, où poser mes affaires, trouver la bibliothèque, un moyen de gagner un peu d'argent, quelqu'un pour vérifier les pieds de Neyle,..."

A son nom, la jeune jument eut un petit hénissement dans sa direction. Aïla sourit en la flattant :

"Ses pieds son petits et durs, elle n'a jamais eu de problèmes... Mais je préfère qu'un professionnel vérifie tout de même régulièrement. Dans tous nos voyages, que ferions nous sinon ?"

Bon, un beau programme en résumé. Aïla s'arrêta juste devant la grande porte, au milieu de la foule qui se pressait pour la passer. Elle leva les yeux sur la tour, observa la cité les yeux brillants. Rit.

"Mais d'abord, visiter la capitale du clan du feu !"

Envel hocha la tête.

- "Vaste programme... Je te rejoindrai plus tard, il faut que je trouve un guérisseur pour..."

Il fit un geste vague en direction de sa nuque.

- "On se retrouve à la bibliothèque ? A moins que tu ne préfères un autre endroit, ou..."

Il se tut.
Il allait dire : "ou pas d'endroit du tout..."
Mais non. Pas avec Aïla. Elle lui avait déjà prouvé, maintes et maintes fois, qu'elle ne l'abandonnerait pas.
Pas maintenant.

Aïla ne remarqua pas l'hésitation d'Envel. A vrai dire, la dernière possibilité qu'il n'avait finalement pas évoquée ne lui avait même pas effleuré l'esprit !

"Hmmm... Je ne sais pas... Oui, la bibliothèque est sans doute ce qu'il y a de mieux. Mais quand ? Trouver un guerrisseur ne prendra surement pas autant de temps que tout ce que j'ai envie de faire..."

Elle soupira :

"Je ne pourrais de toute façon pas tout faire aujourd'hui."

Par quoi commencer ? Finalement, elle tourna la tête pour offrir un sourire radieux au jeune homme :

"Peut importe ! Je serais à l'entrée de la bibliothèque à midi ! Si jamais l'un de nous a autre chose à faire à ce moment, retrouvons nous au même endroit ce soir !"

Ainsi Envel pourrait-il faire quelque chose en attendant, sans avoir d'obligation. A vrai dire, Aïla avait bien l'intention de le retrouver le midi, mais elle ne se connaissait que trop bien... Tête en l'air comme elle l'était, la jeune femme avait bien peur de perdre la notion du temps dans cette ville merveilleusement immense !

Envel hocha la tête.

- "Ça me va."

Il partit au hasard de la cité, et, à force de demandes, finit par trouver le lieu où étaient rassemblés les guérisseurs. Il entra, une jeune fille se précipita immédiatement vers lui.

- "Vous désirez ?"

Envel désigna son cou.

- "Ce serait pour refermer cette blessure... s'il vous plaît."

Le jeune guérisseuse lui fit un grand sourire qui se voulait charmeur, et posa ses mains sur la nuque du garçon avec peut-être un peu trop d'enthousiasme.

- "Mais bien sûr ! Olalah, fit-elle en découvrant la blessure, mais comment vous vous êtes fait ça ?"

Envel répondit, impassible :

- "J'ai rompu des liens."

La fille eut un gloussement ravi.

- "Alors vous êtes célibataire ?"

- "Je ne parlais pas de ces liens-là," fit Envel en plantant ses yeux violets dans ceux de la guérisseuse, ce qui eut le mérite de la faire taire quelques instants.

Un peu plus loin, un vieux guérisseur regardait pensivement Envel en mâchonnant sa pipe éteinte.

- "Vous avez les yeux d'Ethnar, jeune homme," fit-il tranquillement.

Envel se pencha légèrement. Quelque chose passa dans son regard.

- "Ethnar ? Qui... est-ce ?"

Le viel homme ne répondit pas tout de suite. S'appuyant sur le dossier de sa chaise, il fourra de tabac sa pipe, l'alluma et en tira une grande bouffée, malgré les protestations de la guérisseuse "on ne fume pas dans l'infirmerie !".

- "Ethnar, commença-t-il d'une voix profonde. Dragon millénaire parcourant les époques à la recherche de son cavalier..."

- "Il a donc un cavalier..."

Envel avait proféré cette constatation d'une vois au timbre neutre. Mais son coeur s'était, malgré lui, accéléré.
Le guérisseur lui jeta un coup d'oeil.

- "Que nenni, il n'a pas. Il le cherche. Comme certains cavaliers cherchent leur monture, il se trouve ici que c'est la monture qui recherche son cavalier..."

"Comme certains cavaliers cherchent leur monture".
Envel frémit légèrement.

- "Nul ne sait s'il le trouvera un jour, si sa quête aura une fin, un espoir comblé. Ecailles de feu et yeux d'améthyste. Un dragon dont le regard fige et dont la noblesse fait tomber à genoux."

Le viel homme eut un geste fatigué.

- "Las ! C'est une légende qui traverse le temps, mais qui désespère. Ethnar existe-t-il vraiment ? Beaucoup en doutent. Et pourtant, tant aimeraient le croire..."

- "Pourquoi ?" murmura Envel d'une voix étrangement oppressée.

Le guérisseur planta ses yeux noirs dans ceux du jeune homme.

- "Parce que si cette légende voit sa fin en devenant réalité, la question que se pose chacun ayant pris conscience de ce mythe sera enfin résolue."

Envel se pencha d'avantage, fasciné et tremblant.

- "La... question ?"

Les yeux de l'ancien brillèrent d'un étrange éclat.

- "Qui est-il ? Celui que cherche Ethnar depuis si longtemps ? Je n'ose imaginer... la profondeur du lien que partageront ces deux êtres si leur rencontre, un jour, a lieu."

Il se tut. Envel se redressa, ne sachant que dire.
Il se passa la main sur sa nuque. La guérisseuse avait refermé la blessure, il n'avait plus rien à faire ici.
Le garçon posa ses yeux sur le viel homme, toujours adossé à sa chaise.

- "Merci..."

Il sortit. Le guérisseur eut un fin sourire.

- "Jeune homme, s'il existe une preuve que cette légende n'est pas qu'invention, je crois que c'est en toi qu'elle réside."

Puis, sous le regard éberlué des autres personnes présentes, il éclata de rire. Un rire absolument ravi.

Aïla regarda Envel s'éloigner avec un pincement, puis prit la rue perpendiculaire à la sienne. Neyle sembla un peu surprise de cette séparation, puis suivit sa maitresse dans les rues pavées. Aïla resta dans les premières avenues qui la menèrent directement au centre de la ville. Quoi de mieux pour visiter ? Suivre tout le monde... La jeune femme arriva sur une grande place. Au centre une piece d'eau, autour de nombreux étalages des fermes alentours vendant leurs marchandises. Les bâtiments alentours se composaient de boutiques, de tavernes, d'auberges de toutes sortes,...
Aïla s'approcha de l'une d'elle. Elle ne connaissait pas les prix de cette ville : combien coûtait une nuit ?

"Neyle, reste ici veux-tu ?"

Aïla poussa la porte et s'approcha du comptoir.

"Bonjour. Je voudrais connaitre les prix pour une nuit, s'il vous plait. Ah ! Et y a t il une écurie ?"

L'homme leva son visage de ses comptes pour la regarder d'un regard mitigé. D'un geste du menton, il lui montra un petit écriteau accroché derrière lui.

Aïla ressortit presque en courrant : exorbitants ! Les prix étaient exorbitants ! Elle soupira : Combien de temps allait-elle pouvoir rester dans cette ville avec de telles dépenses ?! S'arrêtant soudain au milieu de la rue, elle fit demi tour aussi vite pour débouler de nouveau devant l'homme :

"Excusez-moi, je cherche du travail, accepteriez-vous quelqu'un ?"

L'homme leva de nouveau la tête, et toujours aussi peut bavard lui fit un non sec de la tête. Aïla soupira de nouveau avant de ressortir après un 'au revoir' peu convaincu...
Aïla fit ainsi la plupart des auberges de la place et des rues voisines, toujours plus éberluée par le coût des chambres qui ne baissait pas.

Elle tomba presque par hasard sur la bibliothèque. C'était un immense bâtiment, fait de pierres sculptées ou gravées, qui donnait l'impression de braver les ages depuis des lustres. Aïla sourit en levant les yeux sur les grandes fenêtres. Il était aussi imposant qu'une cathédrale, et devait surement réusnir en son coeur des secrets que toute une vie ne pouvait explorer.

"N'est ce pas magnifique Neyle ? Imagine... Tout ce que l'on peut apprendre, découvrir est rassemblé ici ! Toutes les connaissances depuis des siecles sur le monde d'Endora ! Conservé, protéger,... à portée de main..."

Ou presque. Restait encore à y trouvait ce qu'elle cherchait. Et vu la taille des lieux, Aïla se demanda combien de temps cela allait lui prendre. Elle sourit de nouveau : Dans tous les cas, ce ne serait pas du temps perdu !
Devant les marches de l'immense porte d'entrée, Aïla hésita à entrer. Et à s'éloigner. Soudain quelqu'un la bouscula.

"Oh ! Excusez moi, mademoiselle !"

"Ce n'est rien... Hey ! Vous !"

Il s'était déjà éloigné. Se faufilant entre les passants, elle le rattrapa rapidement pour se planter devant lui. Machoire serrée, regard dur, elle tendit la main :

"Rendait moi ma bourse !"

L'homme était plutot jeune, et Aïla ne pu s'empêcher de penser qu'il avait l'air sympathique. Du moins, il ne ressemblait pas à ces voleurs sans scrupules qu'elle avait parfois, et par malchance, déjà rencontrés.
Il eut un regard surprit, la regarda un instant, puis éclata de rire :

"Votre bourse ? Mais pourquoi l'aurais-je ?!"

"Vous venez de me la voler, à l'instant. Rendez la moi. Et ne niez pas, je vous ai vu. Je ne suis pas une idiote !"

L'homme eut un sourire mi-figue, mi-raisin, avant de sortir négligement une bourse de sa poche pour la faire sauter dans ses mains :

"C'est vrai qu'elle n'est pas bien remplie, mais tout de même... je n'ai pas envie de la rendre."

Son sourire s'effaça quand il regarda, sourcils, froncés, sa main désormais vide. Il haussa les sourcils, et releva la tête. Aïla lui fit un merveilleux sourire :

"Merci !"

Ce fut au tour du voleur de crier un "Hey !" plus surpris qu'autre chose, et il tendit le bras pour tenter d'attraper la bourse. Aïla rit et se dégagea souplement de ses bras avant de partir en courrant. Il tenta un instant de la suivre, puis abandonna quelques carrefours plus tard. L'air contrarié, il soupira, regarda le bout de la rue. Plus aucune trace. Le petit oiseau d'or s'était envolé. Un sourire sur les lèvres, il se retourna pour repartir en sifflotant vers le centre...

"Oh ! Excusez moi, ma Dame !"

...

Aïla courut un moment dans les rues. Elle entendait Neyle la suivre au petit trop, ses sabots claquant sur le pavé. elle savait que l'inconnu ne la suivait plus, mais elle aimait courir... Galoper ici n'était pas possible. Mais quand Aïla s'arrêta pour enfin regarder autour d'elle, elle se maudit intérieurement : Ah ! Encore une fois, elle n'avait pas fait attention ! Où pouvait-elle bien se trouver, à présent ?!
La rue n'était pas une des grandes avenues, et de hautes maisons la bordaient. Ce n'était plus un quartier marchant. Aïla retourna sur ses pas. Il n'y avait vraiment personne...
Une enseigne attira son regard. La petite boutique isolée et sombre semblait triste au bout de sa rue. Mais nullement repoussante : Aïla s'approcha, intriguée, et entra. Des pierres. Précieuses, semi-précieuses, quelconques... Aïla s'émerveilla. Des pierres partout.
Mais personne à qui demander son chemin !

"S'il vous plait ?"

- "S'il vous plaît, où se trouve la..."

- "Excusez-moi, vous pourriez m'indiquer..."

Peine perdue. A l'heure avancée de la matinée, les habitants de Firewall semblaient beaucoup moins encleints à vous indiquer un lieu précis. Envel abandonna et se fia à son sens de l'orientation.
Il finit par trouver. Il faut dire que la bibliothèque était remarquable, dans tous les sens du terme.
Le jeune homme entra. Et eut un instant de blanc.
Comment allait-il retrouver Aïla, dans cette immensité ?
Il ne savait même pas l'heure qu'il était...
Il fit un pas. Puis un autre, hésitant. Dans ces rayonnages débordant de volumes divers, où dénicher un livre en particulier ?
Quelqu'un bouscula Envel en entrant. Un autre en sortant. Cela décida le garçon à avancer. S'il ne voulait pas se faire emporter par la foule, il avait tout intérêt à ne pas hésiter.
Le nom des rayonnages était gravé dans le bois des étagères. Envel avançait au hasard, le regard fixé sur lesdits noms, espérant trouver ce qu'il cherche.
Du moins une approche...
Des escaliers, à droite, à gauche, des escaliers, tout droit, à gauche, des escaliers... Envel n'avait plus conscience de rien, du temps, du lieu, il savait juste qu'il montait, montait toujours, s'enfonçait dans les hauteurs à la recherche d'une légende oubliée.
Arriva un lieu où il ne pouvait plus monter.
Le jeune homme sembla reprendre conscience avec la réalité, regarda autour de lui.
Une odeur de poussière et de livres anciens, oubliés, le frappa. Ici, les volumes alignés sur les étagères, vieux cuir relié et papier jauni, étaient couverts d'une poussière grisâtre et semblaient ne pas avoir été consultés depuis longtemps. Envel s'avança.
Il en saisit un, d'un vert profond tirant sur le noir, à la bordure dorée. Les couleurs étaient un peu passées, mais le titre encore grandement visible.
Mythes et Légendes Millénaires
Sous-titre : La traversée du Temps
La main un peu tremblante, Envel l'ouvrit.
Il ne trouva pas tout de suite. Des noms, des dizaines de noms de légendes apparues des siècles auparavant s'offrirent à ses yeux : Les Gorgones, Le Maître des Eléments, Le Jugement...
Ethnar.
Une gravure un peu craquelée, ayant perdu de sa netteté, mais dont les couleurs avaient survécu à la morsure du temps.

Spoiler:

Ethnar.
Envel tendit la main.
Effleura la gravure, doucement.

- "Ethnar..."

En dessous, quelques lignes calligraphiées, que le jeune homme ne lut pas. La version du vieux guérisseur lui suffisait.
Lentement, sans quitter la gravure des yeux, il referma le livre.
Quitta le rayonnage.
Des escaliers, à droite, tout droit, des escaliers, à droite, à gauche, des escaliers... Envel refit le chemin en sens inverse, ne se perdant pas une seule fois, et pourtant il n'avait toujours pas conscience de ce qu'il y avait autour de lui.
Il finit par revenir à l'entrée. S'assit pour attendre Aïla.
Espoir.
Fou. Insensé.
Mais espoir tout de même.
Ethnar.

Quelques bruits de pas légers sur le vieux parquet. Aïla se retourna. Fronça les sourcils.
Personne.

"Ce n'est pas une bijouterie ici, mademoiselle..."

Aïla sursauta, puis s'approcha du comptoir pour enfin voir le vieil homme dissimulé par celui ci. L'homme monta sur une chaise pour l'observer un instant. Il avait un long nez un peu crochu, un menton volontaire, les sourcils broussailleux. Et il était presque chauve. Ses yeux plissés étaient comme deux petites billes sombres qui la transperçaient avec expérience. Une expérience qui avait gravé son visage.
Aïla lui sourit :

"Je suis désolée, mais je n'étais pas à la recherche d'une bijouterie... En fait, je me suis perdue."

"Oh ! Je vois."

Il descendit de la chaise et du coup disparu un instant à la vue d'Aïla. Faisant le tour du comptoire, il s'approcha de la porte de la boutique pour designer la bonne direction :

"Par là. Deuxième à droite, puis à gauche jusqu'à une fourche. De nouveau à droite, et vous retomberez sur une des avenues. Si vous vous perdez, essayez de ne pas vous éloigner vers l'est. Ces quartiers sont plutôt mal fréquentés..."

Il sembla un instant perdu dans ses pensées, puis hocha la tête pour retourner vers la porte arrière de la boutique. Voyant soudain que la jeune femme ne bougeait pas, il s'installa de nouveau sur la chaise, haussant ses épais sourcils gris :

"Je peux faire autre chose pour vous ?"

Aïla hésita. Elle jeta un regard à Neyle qui l'attendait à l'extérieur, puis fouilla dans sa saccoche, et en sortit la pierre. Aïla la fit tourner entre ses doigts. A la lumière du jour, elle était encore plus belle... elle resplendissait. Ses couleurs chatoyantes étaient comme des flammes figées pour l'éternité. Paillettée de rouge et d'or, d'ambre... et étoilée. Chaude et brillante de l'intérieur.

Penché au dessus du bureau, presque allongé sur le plan de travail, le petit homme se saisi de la pierre. Aïla sortit de ses pensées en sursautant. L'homme avait déjà sa loupe dans la main, faisant tourner avec dextérité et expérience la pierre entre ses doigts.

"Pierre de dragon. Pas exceptionnelle, mais bel échantillon. Vous voulez la vendre ?"

Aïla regardait la pierre. Une pierre de dragon. De dragon ? Envel...

"Je l'ai trouvée et je ne savais pas ce que c'était... Pourquoi l'appelle-t-on pierre de dragon ?"

"Aucunne idée ! Du moins, il y a plusieurs histoires... L'une dit que c'est à cause de sa ressemblance avec la pierre de feu, une autre à cause de la chaleur qu'elle dégage constament... Mais je ne crois pas à tout ça. Dans tous les cas, l'histoire s'est perdue, mais le nom est resté."

Il n'avait pas cessé d'observer la pierre sous toutes ses coutures, à différents éclairages, la frappant doucement sur plusieurs supports,... l'écoutant ?! L'homme l'avait en effet amené à son oeille et fermé les yeux. Aïla sourit : Comprenait-il les pierres comme elle comprenait le Vent ?

"La forme de cette pierre permet de faire beaucoup de choses..."

Aïla se pencha pour observer l'objet de leur discution. Ovale, haute de peut être trois quatres centimètres, large d'un,...

"Comment ça, beaucoup de choses ?"

"Et bien... elle n'est pas grande, mais on peut quand même en détacher des éclats, l'incruster, la percer..."

"La percer ?"

"Oui. Les bijoutiers percent parfois les pierres. Pour des boucles, des pendentifs... Quoique certains, peu qualifiés, ne les entoure simplement d'un raffinage..."

Il avait plissé le nez à ces paroles. Toutes ces babioles... Ces gens ne connaissaient pas les pierres, ne savaient pas les repecter. Aïla observa le vieil homme.

"Cette pierre accepterait d'être percée ?"

Il leva la tête vers elle, surpris, puis la regarda de nouveau comme pour la première fois. Mais sous un jour nouveau.

"Et bien... Les pierres de dragons sont extrément délicates à tailler ou percer, de par ces défauts qui font leur beauté caractéristique..."

Il reprit la pierre, l'effleura du bout de ses doigts usés, concentré, puis sourit :

"Mais je pense qu'avec celle-ci, ce serait peut être réalisable... Pour quelqu'un de qualifié, bien sûr !"

Les yeux d'Aïla brillèrent :

"Vous pourriez me la percer ? Combien cela couterait-il ?

Le viel homme releva la tête vers elle, l'air soudain très sérieux.

"Il serait peut être effectivement possible de le faire... Mais une telle pierre, on ne peut jamais rien garantir. Il y a toujours un risque de la briser. Ces pierres ne sont pas homogènes. Ces étoiles, à l'intérieur, sont autant de risques de tout rater."

Il soupira, se pencha en arrière sur le dossier de la chaise :

"Si vous me le demandez, je peux essayer de la percer. Cela coûte quatre cent. Vous devez payer deux cent avant, et le reste quand je vous la rend. Il est évident que si je la brise, je vous restituerai les fragments, et vous n'aurez pas à payer les deux cent manquant ! Mais je ne rendrai pas le reste..."

Aïla serra le point sur sa bourse. Si cher ? Elle qui avait besoin d'argent... Mais les prix étaient les prix. Perdre deux cent sur un petit budjet était déjà énorme, le vendeur le savait. Malheureusement, il ne pouvait pas se permettre non plus de faire des tarifs en dessous de la valeur de son travail. Autant mettre de suite la clef sous la porte.
Le petit homme se redressa pour la regarder :

"C'est une belle pierre, et elle peut se vendre un bon prix. Je ne pense pas que cela descendrait en dessous de sept-cent, ou même huit-cent."

Aïla se mordit la lèvre. Regarda la pierre sur le comptoir. Prendre le risque de dépenser deux cents pour rien ? Ou même quatres cent pour cette pierre ? Ou saisir l'opportunité de la vendre deux fois plus cher ?
La jeune femme resta un instant hésitante, avant de secouer la tête en signe de dénégation :

"Non. Je vous fais confiance. Combien de temps cela prendrait-il ?"

Le petit homme eut un petit sourire de sa bouche tordue, et il ramassa délicatement la pierre pour la ranger précieusement.

"Vous pouvez repasser dès demain, si vous le souhaitez."

Il n'y avait de toute façon pas beaucoup de clients... il avait le temps de s'en occuper sans devoir se presser. Mais aurait-il du le faire, il aurait préféré reffuser. Une pierre... doit se traiter avec respect.
Aïla dénoua sa bourse pour sortir une à une les pieces. Elle avait juste assez... Elle devait absolument trouver quelque chose pour gagner un peu d'argent. Rangeant de nouveau ses maigres richesses dans sa saccoche, elle demanda une nouvelle fois :

"Excusez moi, une dernière chose : Je cherche un endroit où dormir quelques nuits, mais le centre est bien trop cher... Savez vous où je pourrais aller ? Et connaissez vous un endroit proposant du travail ?"

L'homme descendit de la chaise, ramassa quelques papiers tout en réfléchissant :

"Et bien... Dans la partie nord de la cité, vous trouverez peut être quelque chose... Allez voir à la taverne de la cinquième rue, je connais les propriétaires : C'est une petite affaire, mais les prix sont tout à fait abordables, et ils sont charmants ! Quant au travail... Ils vous renseignerons sans doute mieux que moi..."

Aïla le remercia chaleureusement avant de sortir de la boutique. Neyle hennit en la voyant, et Aïla la flatta.

"Allons rejoindre Envel, Belle."

Son ventre gargouilla alors avec fureur. Aïla rit, puis se figea soudain, et leva ses grands yeux verts vers le ciel avec inquiétude : Quelle heure était-il, pour qu'elle ait faim à ce point ?! Argh ! Mais le soleil avait passé depuis longtemps le point le plus haut ! Midi... Elle avait dit midi, et cela devait faire au moins une heure et demi que midi était passé !
La jeune femme partit en courrant en suivant l'itinéraire du vieil homme. Elle se repéra bien avant l'avenue, suivit la route qui la mena directement à la bibliothèque et s'arrêta devant les marches, essoufflée : Courir dans une foule était bien plus fatiguant que dans la nature, et en plus d'être fatiguée, cela lui avait pris au moins une demi-heure pour ces quelques rues !

Aïla regarda autour d'elle : Envel était il encore là, ou bien parti faire autre chose ? Elle soupira, s'assit sur une des marches. Elle ne pouvait pas lui en vouloir, c'était ce qu'ils avaient convenus... Mais elle était en colère contre elle même.
*Pardon, Envel.*

HJ : ça promet d'être intéressant \o/

Envel attendait depuis... un bout de temps. Il avait commencé par sortir un de ses poignards, histoire de s'occuper, mais le regard que lui avait lancé un des responsables de la bibliothèque avait suffit à lui faire comprendre qu'il ferait mieux de rengainer son arme. Il avait donc attendu, perdu dans le vagabondages de ses pensées.
Ethnar... Il existait donc un espoir pour que son rêve fou se réalise ? Ce rêve impulsif, rêve d'enfant naissant devant une simple et fugitive vision ? Et était-ce vraiment lui que le dragon cherchait ?
Envel aimerait le croire.
Respiration oppressée. Le garçon jeta un coup d'oeil vers les marches de l'entrée. Aïla était là, essoufflée, regardant autour d'elle. Envel s'approcha d'elle.

- "Aïla... Tu as pu faire ce que tu voulais ?"

Aïla se redressa d'un bond, fit un merveilleux sourire en le voyant :

"Envel ! Tu es encore là ? Je pensais... que tu étais reparti..."

Elle réfléchit un instant à la question, puis lui sourit :

"En fait... Pas vraiment ! Les auberges du centre sont bien trop chères, mais on m'a donné une adresse... Je n'ai pas eut le temps de m'occuper de Neyle, ni trouvé de travail ! Et en plus, j'ai dépensé presque tout le peu que j'avais..."

Elle fit la grimace. Puis se mit à rire.

"Mais c'était une bonne matinée ! La ville permet vraiment des rencontres... étonnantes !"

Elle le regarda, les yeux pétillants :

"Et toi ?"

Elle voyait que la blessure de son ami était refermée, mais cela n'avait pas du prendre beaucoup de temps... qu'avait-il pu faire ensuite ?
Son ventre gronda, elel rit de nouveau :

"Oups ! Je crois que j'ai faim... As-tu déjà mangé ?"

Aïla semblait immensément soulagée de le voir. Envel planta ses yeux violets dans ceux de la jeune fille.

- "Et pourquoi serais-je reparti ?"

Il écouta Aïla parler, la tête légèrement penchée. Quand elle lui retourna la question, il eut un léger sourire.

- "Oui. Moi aussi on peut dire que j'ai fait des rencontres étonnantes. Et... intéressantes."

Jamais ses yeux n'avaient brillé d'un tel éclat. D'une de ses mains fines, il joua distraitement avec le col de sa chemise.

- "Je n'ai pas encore mangé, non. Tu veux qu'on aille quelque part ? Et pour ce qui est de l'argent, j'en ai assez pour deux. Si tu acceptes que pour une fois, ce soit moi qui t'offre quelque chose."

Il lui jeta un regard de biais. Elle n'avait sûrement pas conscience de tout ce qu'elle lui avait offert, depuis qu'il la connaissait...

Aïla rougit de nouveau sous son regard... Aïe Aïe Aïe ! Voilà une maladie qui n'avait pas l'air d'aller en s'améliorant !

"Et bien... Tu as du attendre longtemps... Je suis désolée."

Mais quand elle releva la tête pour voir son léger sourire, et son regard pétillant, elle fut transpercée d'une vague d'amour qui la laissa toute chose... Kyaa ! Comme il était beau quand il était heureux ! Rien que pour son bonheur... Aïla lui sourit, le visage illuminé.

"Si tu acceptes que pour une fois, ce soit moi qui t'offre quelque chose."

Aïla le regarda, étonnée :

"'Pour une fois' ? Que t-ai je donc offert ?"

Elle s'avança dans la rue en riant :

"Enfin, peut importe, j'accepte avec plaisir ! On va où tu veux !"

Elle le remercierait plus tard. Elle trouverait quelque chose pour le remercier...

En observant Aïla, Envel se fit la réflexion qu'elle était vraiment jolie quand elle souriait. Et comme elle souriait sans cesse...
Ils passèrent à travers un dédale de rues pendant un moment, avant qu'Envel ne s'arrête devant un petit restaurant discret, mais à l'air chaleureux. Ils entrèrent, un serveur les salua, les guida à une table et leur apporta les menus. Envel consulta le sien rapidement, puis consulta Aïla du regard.

- "Où as-tu déjà voyagé ?"

Aïla suivit Envel de son pas dansant, plus joyeuse que jamais. Le petit restaurant dans lequel ils entrèrent avait l'air bien, et c'est avec appetit qu'elle s'assit à la table. Quand on a faim, tout à l'air délicieux ! Aïla ne savait pas trop quoi choisir...

"Où j'ai voyagé ? Et bien... Je connaissais déjà les grandes plaines avant de partir vraiment. Je l'avais parcourrue dans tous les sens, avec Aunco, puis avec Neyle... C'est mon pays... Quoique je ne suis pas allée si souvent que cela à Windora ! Enfin... Quand je suis partie de chez moi, j'ai traversé la rivière. Je voulais voir la mer. Puis j'ai traversé le clan de l'eau pas la campagne, jusqu'à la rivière d'or. C'est là que j'ai rencontré Ewanaë. Je suis restée un peu de l'autre côté, dans un petit village du clan de la terre, chez Lena et Manel. Puis le Vent m'a parlé des grottes de cristal..."

Elle sourit.

"Voilà !"

Elle but un verre d'eau, fit tourner pensivement sa cuillère entre ses doigts.

"Finalement, le clan du feu est celui que je connais le moins, avec les grandes fôrets du Nord."

Le serveur revint prendre leurs commandes. Aïla relit la carte, un peu perdue :

"Et bien, heu... Celui là, je ne sais pas ce que c'est, alors je vais le prendre !"

Le serveur parut surpris, et Aïla lui fit un grand sourire amusé. Il repartit, un peu confus, tandis que la jeune femme se tournait de nouveau vers Envel :

"Je te retourne la question !"

Envel passa lui aussi sa commande, puis fixa son verre d'un air lointain.

- "En 6 ans... Je crois que j'ai eu le temps d'aller partout. Sauf le clan du Feu. je m'arrangeais pour ne plus y entrer."

Inutile de préciser pourquoi. Aïla savait. Le garçon redressa la tête et braqua ses yeux violets sur la jeune fille.

- "Tu parles souvent d'Aunco... Qui est-il ?"

Aïla rougit de nouveau sur le regard d'Envel. Aunco ? Comment expliquer... Elle chercha ses mots un instant, puis après quelques secondes de silence tenta de répondre le plus simplement possible :

"Aunco est un garçon de mon village. C'est un tout petit village, et c'est peut être l'enfant qui se rapprochait le plus de mon age. Nous n'avons que deux ans d'écart."

Elle sourit, plongée dans ses souvenirs.

"Au début, il ne m'aimait pas. Et puis nous sommes devenus amis. Nous sommes vite devenus inséparables, même ! Nous avons tout fait ensemble, et je crois que l'on se connait mieux que personne d'autre..."

Comment décrire ce lien ? Presque fusionnel... Il y avait à peine besoin d'un regard pour qu'ils se comprennent. Tout ce qu'ils avaient pu vivre ensemble... Tout ce que des enfants peuvent imaginer et rêver, ils l'avaient partageaient. Ils le partageaient.

"Aunco est partit dans un autre village pour un travail avec les oiseau des roches. Je ne l'ai pas revu depuis. Mais avant, quand j'étais au village, son aigle venait me voir. Comme moi je lui envoie le Vent."

Oui, en partant de chez elle, la jeune femme savait ausi que l'aigle d'aunco ne pourrait la suivre dans ses déplacements. Le revoir dans les plaines avait était une heureuse surprise.