Ethnar se posa.
Magestueusement.
Devant la muraille de Firewall.
Les gardes posté à la porte eurent du mal à en croire leurs yeux.
L'un se souvint vaguement d'un conte que lui racontait sa mère. L'autre vit juste un immense dragon aux yeux d'améthystes.
Et, sur son dos, son reflet.
Son âme.
Envel descendit.
Il attendit qu'Aïla le rejoigne.
Posa sur elle un regard indéfinissable.
Ethnar pencha la tête vers son cavalier.

# Cesse de tourmenter ton âme, compagnon. Et vis plutôt le moment présent. #

Le garçon hocha doucement la tête.
Adressa son demi-sourire à Aïla.

- "On entre ?"

Envel s'arrêta.
Tourna ses yeux violets vers le garde, qui amorça un mouvement de recul.
Et comment... Ethnar venait de faire de même.
Le noble dragon tendit le cou vers l'entrée de la cité. Les gardes se plaquèrent contre le mur, tétanisés.
Le regard d'améthyste d'Ethnar parcourut Firewall des yeux. le temps semblait s'être arrêté.
Puis, sans plus de manières, il se retira. S'éloigna de la porte. Envel eut alors une drôle d'impression. Comme si l'âme du dragon était en train de sourire.

# Cette ville est trop petite pour moi, jeune compagnon. Je vous attend à l'extérieur. #

Envel eut un mince sourire. Hocha la tête.
A la suite d'Aïla, il entra dans la ville.
Tandis qu'ils marchaient, il observa pensivement la jeune fille.
Prit son courage à deux mains. Comme il put.

- "Aïla, je..."

Il n'eut pas le temps d'achever. Un homme, visiblement très pressé, le bouscula et le projeta contre la jeune fille. Envel s'écarta, gêné.

- "Désolé... Tu préfères passer d'abord à l'auberge où tu travailles, ou voir Mary ?"

Lamentable.
Il ne pouvait même pas lui dire.
...

HJ/ Aaargh ! j'ai tout perdu !! bon, recommençons, un peu plus court peu être ^^"



Aïla attendit qu'Envel la rejoigne puis fit un signe de tête au majestueux dragon avant de s'enfoncer dans la ville. Neyle marchait à côté d'eux. Aïla était perdue dans ses réflexions quand elle sentit le regard d'Envel peser sur elle. Envel ? Elle se tourna vers lui, haussant les sourcils avec surprise lorsqu'elle croisa son regard. Pourquoi la regardait-il ? Le même regard qu'à l'entrée de la ville...

"Quelque chose ne..."

"Aïla je..."

"Aaah !"

Cri de surprise, Aïla faillit tomber à la renverse quand quelqu'un poussa Envel contre elle. Neyle redressa la tête avec frayeur tandis que la jeune femme se rattrapait rapidement avant de heurter son amie. Pff ! Pourquoi fallait-il qu'elle soit ainsi menue, valdinguant au moindre choc ?! Néanmoins, elle compensait assez par son équilibre et ses réflexes développés.
Elle se redressa, sourit à Envel :

"Ce n'est pas grave, je n'ai rien."

Hey, Envel avait-il l'air... gêné ?!! Aïla ouvrit des yeux ronds, puis son sourire s'élargit avant que son rire cristallin ne s'envole avec le Vent. Elle ne l'avait jamais vu exprimer tant de sentiments en si peu de temps, c'était... quelque part troublant. Malheureusement pour le jeune homme, Aïla se méprenait sur l'origine de sa gêne ! Elle se rapprocha de nouveau de lui et ne put s'empêcher de poser un rapide et léger baiser sur sa joue :

"Ce n'est pas grave, te dis-je ! Ce n'est pas de ta faute, de toute façon..."

Puis elle réfléchit quelques instants avant de répondre à sa question avec son sourire et son enthousiasme habituels :

"Commençons par aller voir Mary ! La pauvre doit être dans tous ses états..."

Elle se mordit la lèvre. Mary avait été très gentille avec eux, et devait maintenant se faire un sang d'encre, après qu'ils soient partis si soudainement !

Envel ne dit rien. Il se contenta de hocher la tête, et de suivre la jeune fille en silence.
Troublé.
Mais ayant retrouvé son habituel air impassible.
Comme avant.
Le garçon ne faisait plus vraiment attention à ce qui l'entourait. c'est pourquoi il mit un certain temps à remarquer qu'on chuchotait, qu'on se retournait sur son passage et que certaines jeunes filles lui jetaient des regards de biais en gloussant.
Ah... Oui. Sa chemise avait brûlé. Il était toujours torse nu.
Et ça, plus le tatouage qui s'étendait dans son dos, ne passait pas inaperçu.
Envel se tourna vers Aïla.

- "J'avais oublié... Il faut peut-être que je me mette quelque chose sur le dos. Et puis je vais en profiter pour aller... voir quelqu'un. Je te rejoins à l'auberge ?"

Aïlase tourna vers Envel sans comprendre. Puis elle aussi remarqua qu'effectivement, il était resté torse nu... Un petit coup d'oeil aux personnes alentours en rougissant légèrement, et elle éclata de rire.

"Cela serait peut être mieux, en effet !"

Elle lui fit un signe de la main en s'éloignant avec un grand sourire toujours sur ses lèvres :

"D'accord, je t'attends là-bas ! Neyle, tu viens, Belle ?"

La jument suivit son amie le long des pavés gris des rues de la cité.

Envel hocha la tête, fit volte-face et s'éloigna.
Lamentable.
Il cherchait un échappatoire.
Mais qu'est-ce qui lui arrivait ?
Le garçon trouva rapidement le chemin de l'infirmerie. La jeune soigneuse, qui s'était occupée de sa blessure au cou, frôla l'apoplexie quand elle le vit rentrer torse nu. Envel profita des quelques secondes où elle cherchait à retrouver son souffle pour planter ses yeux violets dans ceux de la jeune fille et lui demander poliment, de sa belle voix aux accents neutres :

- "Bonjour. Excusez-moi de vous déranger, mais auriez-vous une chemise pour moi s'il vous plaît ?"

La soigneuse, bouche ouverte, hocha fébrilement la tête et s'éloigna rapidement.
Envel se tourna de l'autre côté. Impassiblement, le vieil homme le regardait en mâchonnant sa pipe éteinte.

- "Alors c'était bien vous... Cela ne m'étonne pas, je l'ai su dès que j'ai aperçu la couleur de vos yeux. Il est revenu, n'est-ce pas ? Vous l'avez rencontré ?"

Lentement, le garçon hocha la tête.

- "Comment est-il ?"

Envel eut un mince sourire.

- "Je dois vous avouer ne pas être capable d'avoir un jugement objectif sur lui. Mais, si vous souhaitez le voir... il est à l'entrée de la cité."

Le vieux soigneur se leva. Il eut l'air pensif.

- "Ethnar... Dragon millénaire parcourant les siècles et les légendes à la recherche de son cavalier... Mais devant son terrible regard, vais-je pouvoir résister ?"

- Il a à présent trouvé son cavalier."

L'homme hocha la tête et sourit.

- "Cette réponse me convient."

Il se dirigea vers la sortie. Envel l'arrêta.

- "Merci. Je..."

Le soigneur l'interrompit. Ses yeux brillaient.

- "En m'offrant l'occasion de voir Ethnar, jeune homme, il est inutile de rajouter des remerciements."

Envel sourit. N'ajouta rien.
La jeune soigneuse arriva bientôt derrière lui, lui tendant une chemise. Le garçon la saisit.

- "Merci beaucoup."

Tandis qu'il l'enfilait, la jeune fille lui tournait légèrement autour, se mordait la lèvre.

- "Très joli tatouage."

Envel ne répondit pas.

- "Est-ce que par hasard, vous seriez..."

- "Célibataire ? l'interrompit Envel. Oui."

Avant qu'elle eut le temps de dire quoi que ce soit, le garçon lui jeta un regard de biais et eut un demi-sourire.

- "Mais pris."

Il sortit. La jeune fille resta immobile, quelque peu désorientée.

Aïla ouvrit la porte de l'auberge. Tient, personne. Elle s'avança dans la salle principale, où une alléchante odeur de cuisine titillait les narines.

"Il y a quelqu'un ? Mary ?"

Rien. Puis soudain, des bruits de pas rapides, une respiration essouflée. Mary apparut dans les escaliers qu'elle descendait quatre à quatre.

"Aïla ! Dieu merci, c'est bien toi ! Je me demandais si vous alliez revenir, ou je devais defaire les chambres... Pourquoi diable êtes vous partis si vites, sans aucune explication ?! J'ai subi milles tracas à cause de vous !! Ah ! Comme je suis heureuse de vous revoir !!"

Elle avait traversé la salle le plus rapidement possible, serrait maintenant la jeune fille dans ses bras à l'en étouffer.

"Mary... S'il vous plait, lachez-moi. Je suis vraiment désolée Mary, mais c'était urgent et..."

Soudain, la gérante sembla s'appercevoir de l'abscence d'Envel. Elle s'écarta, jeta un regard surpris dans la rue.

"Ton compagnon n'est pas avec toi ?"

"Envel est allé se trouver une chemise et remercier quelqu'un."

"Une chemise ?!!"

Mary la regardait les yeux ronds. Aïla sourit et hocha la tête en confirmation, mais n'ajouta pas d'explication. A Envel de le faire s'ilm le souhaitait.
Mary l'observa un instant puis soupira, et attrapa presque de force le sac d'Aïla pour remonter vers les chambres.

"Vraiment ! Vous êtes bien mystérieux ! Enfin au moins, tu parles plus que lui ! C'est vrai qu'à côté de toi, toujours si expressive... enfin, il est étrange, ce garçon."

Aïla sourit. Aucune critique, la voix de la gérante ne contenait que de la curiosité. Et elle n'avait pas encore vu Envel depuis les... petites 'transformations' !

"Néanmoins, il n'est nul doute que vous vous entendez bien, et vous comprenez... Finalement, vous allez bien ensemble !"

Aïla mit un instant avant de comprendre. Elle rougit.

"Voyons Mary, Envel est..."

Voyant l'air espiègle de la femme, Aïla se dit qu'il était inutile de contester. Rouge pivoine, mais pour une fois silencieuse, ¨la jeune femme suivit Mary dans la chambre.

"Voilà ! Vraiment, je suis vraiment, vraiment soulagée de savoir que vous allez bien, et vraiment, vraiment heureuse de ton retour ! Ah ! Bon Dieu, j'ai toujours ma marmite sur le feu !"

Mary partit en courrant, Et Aïla l'entendit descendre bruyament les escaliers. Elle sourit, puis se laissa tomber sur le lit. Pour combien de temps Envel en aurait-il ? Elle n'en savait rien... Elle ne savait même pas où il était allé, ne pouvait donc le rejoindre. Le mieux était sûrement de l'attendre ici.
Aïla laissa ses pensées vagabonder, son regard vert fixé sur le plafond.
Que de choses en si peu de temps.
Ses cils se posèrent doucement sur ses joues, et elle s'endormit.

Envel était revenu à l'auberge. Il ouvrit la porte, s'avança sur le seuil. On entendait du bruit provenant de la cuisine.

- "Mary ?"

Les bruits s'arrêtèrent. Mary sortit précipitemment de la cuisine.

- "Envel ! Dieu du ciel, quand allez-vous arrêter de me faire des frayeurs pareilles ?"

Le garçon se passa la main dans les cheveux, l'air vaguement coupable.

- "Je suis désolé Mary, mais c'était..."

- "Urgent. Je sais, votre amie me l'a dit. Enfin, si vous n'avez rien, c'est l'essentiel."

La femme s'approcha d'Envel et le détailla avec attention.

- "Vous avez changé. Je ne saurais vraiment dire où..."

- "En fait, je..."

Mary le fit taire d'un geste et sourit.

- "Je ne vous demande pas de justification, allez... Aïla est montée. Vous la trouverez sans doute dans sa chambre."

Envel hocha la tête et eut un fin sourire.

- "Merci."

Tandis qu'il montait l'escalier, Mary s'était retournée et l'observait curieusement.
Mais en quoi diable avait-il changé ?
Il n'était plus le même...
Envel s'arrêta devant la porte de la chambre d'Aïla. Il hésita, frappa doucement.

- "Aïla ?"

Le garçon entrouvrit la porte.
Aïla était couchée sur le lit, et dormait paisiblement.
Envel sourit, et referma la porte.
Il entra dans la chambre adjacente. S'assit, dos contre le mur.
Fouilla dans son sac. En sortit une pierre ronde de taille moyenne, qu'il avait ramassé auparavant.
Saisit un poignard.
Par des coups vifs et précis, commença à tailler la roche.

Aïla se redressa brusquement. Ah ! Elle s'était endormie ! La jeune femme se leva, regarda avec une grimace sa tunique poussiéreuse et froissée. Prendre une douche maintenant ? Pourquoi pas, après tout...
Elle se doucha rapidement, se seicha et enfila une tunique propre. Elle sourit en se sentant plus à l'aise, sortit dans le couloir les cheveux encore dégoulinants sur ses épaules : Envel était-il revenu ?
C'est Mary qu'elle croisa, juste en haut des marches.

"Ah, Aïla ! J'ai préparé un petit quelque chose à manger, avez vous faim ? Appelle Envel si tu veux, il est dans sa chambre, pendant ce temps je prépare la table !"

Aïla n'eut pas le temps de dire un mot, Mary éatait déjà repartie ! La jeune femme soupira avec un sourire. La gérante avait-elle vraiment peur qu'ils meurent de faim ?
Elle s'approcha de la chambre de son ami. Il était donc rentré, elle était soulagée. Aïla toqua :

"Envel ? Je peux entrer ?"

Lorsqu'Aïla frappa à la porte, Envel sursauta légèrement.
Absorbé par son oeuvre, il ne l'avait pas entendue venir.
D'ailleurs...
Son oeuvre ?
Envel baissa les yeux.
Qu'avait-il sculpté, au juste ?
Un dragon, enroulé autour d'une masse rocheuse, et qui tendait la tête vers...
Le garçon amena la figurine à auteur de son visage.
Un oiseau ?
Oui. Un minuscule oiseau, qu'il avait, il s'en souvenait maintenant, taillé avec la pointe de son poignard le plus fin.
Allons bon.
Envel releva les yeux.

- "Bien sûr. Entre, Aïla.

HJ/ bon maintenant qu'on a réussit à se reconnecter (plus d'une demi heure pour ça quand même T-T)
on recommence tout depuis le début :



Aïla ouvrit la porte et chercha quelques fractions de seconde Envel dans la chambre. Son regard se posa sur le jeune homme adossé contre le mur, et son visage s'éclaira d'un sourire. Elle s'approcha et s'assit à côté e lui, ses genoux remontés contre sa poitrine :

"Tu as sculpté quelque chose ? Puis-je voir ?"

Elle s'émerveilla une fois de plus devant le travail du jeune homme. Les détails, les expressions, tout était si réel...

"Ce n'est pas Ethnar, n'est ce pas ?"

Quelques détails différaient du légendaire animal, et la jeune femme savait bien que ce n'était pas une erreur de l'artiste installé à côté d'elle. Elle fit doucement tourner la statuette entre ses mains.

"Cet oiseau... est vraiment minuscule. Il parait si fragile à côté du dragon... Pourquoi est-il au sol ? Un oiseau ne devrait-il pas étendre ses ailes et voler dans le ciel ? Je trouve cela un peu triste... Si vulnérable sur terrre... Il pourrait se faire écraser à chaque instant, même par mégarde !"

Un petit sourire étira ses lèvres comme elle exprimait ses impressions.

"Pourtant, il n'a pas peur. Le dragon... Il a l'air attentionné envers lui, il fait attention. On dirait qu'ils discutent. Sûrement se comprennent-ils... c'est pourquoi ils restent ensemble, non ?"

Aïla fronça un instant les sourcils :

"Mais le dragon... Ainsi accroché à la roche, on dirait qu'il a peur. Peur de quoi ? Je ne sais pas... Peur de se lancer ? De voler ? Peur pour l'oiseau ? je ne pense pas qu'il devrait, l'oiseau à l'air heureux."

Aïla passa doucement un doigt sur la pierre. Un travail magnifique. Elle aimait penser que les mains d'Envel donnaient vie à la pierre. Donner la vie ? Alors, elle tenterait de trouver leur histoire !
La jeune femme sourit à Envel en lui rendant la sculpture :

"Un jour, ils s'envoleront ensemble, j'en suis persuadée !"

Soudain elle pensa qu'elle ne savait même pas ce qu'il avait vraiment voulu représenter. Elle passa une main gênée dans ses boucles dorées encore mouillées, et rosit légèrement en ajoutant rapidement :

"Enfin, c'est ce à quoi cela me fait penser, mais peut être ai-je tout faux..."

- "Non. Tout ce que tu as dit est vrai."

Envel aurait pu s'arrêter là.
Il continua.

- "Le dragon a peur. Peur de blesser l'oiseau, qui paraît tellement vulnérable... Peur que l'oiseau s'envole, et que lui ne puisse pas le rattraper... Et puis..."

Le garçon se saisit de la figurine, passa doucement son doigt sur les contours taillés.

- "Peur que l'oiseau ait peur de lui. Qu'il ne veuille pas de lui. Ils sont si différents... Qu'est-ce qu'un oiseau et un dragon feraient ensemble ? C'est une idée absurde..."

Envel se tut. Gêné, il évita le regard d'Aïla.
Que, pour la première fois, il ne pourrait pas soutenir.

- "Tu es venue pour quoi, au fait ?"

Aïla resta pensive un instant.
Peur de le blesser ? Cela paraissait plutôt naturel mais... Un dragon qui ne pourrait rattraper un petit oiseau ? Elle avait par contre du mal à comprendre cela !
Finalement, elle dit avec une petite grimace :

"L'oiseau n'a pas l'air d'avoir peur, ni envie de partir. Le dragon devrait avoir plus confiance en lui."

A la question d'Envel, Aïla se leva subitement et dit d'un ton amusé, avec un grand sourire :

"Ah oui ! Mary a fait à manger, je crois qu'elle espère pouvoir nous servir... Je vais aller voir s'il faut l'aider, tu nous rejoins ?"

Elle sortit. Puis soudain repassa la tête à l'intérieur de la chambre et ajouta d'une voix douce :

"Tu sais Envel, qu'un dragon et un oiseau soient ensemble, je ne pense pas que cela soit une idée absurde..."

Elle disparut dans le couloir.
Avait-elle comprit le parallèle ? Qui sait... Aïla était parfois surprenante, autant par sa perspicacité que par sa naïveté...

Elle déscendit les escaliers de son pas léger et rejoint Mary dans la cuisine.

A la dernière remarque d'Aïla, Envel resta un instant figé.

# Dis-lui ! #

La jeune fille s'éloigna. Envel l'entendit descendre les escaliers.

# Dis-lui, bon sang ! #

Trop tard. Le garçon posa la figurine sur le sol et s'y affaissa.
Mais pourquoi n'y arrivait-il pas ?
La réponse était plutôt simple...
Il dissimulait ses sentiments depuis six ans. Et il espérait pouvoir y arriver si facilement ?
Quelle blague.
Il se leva. Descendit rejoindre Aïla et Mary dans la cuisine.
Il y arriverait.
Plus tard.

Aïla parlait et riait avec Mary quand Envel entra dans la cuisine. La jeune femme lui trouva l'air troublé. Elle haussa les spurcils, surprise, puis sourit en montrant une table dans la salle principale : La table dressée, les couverts installés... et des plats pour un festin !

"Je ne sais pas pour qui Mary cuisinait avant que nous arrivions, mais nous ne manquerons de rien ! As-tu faim ?"

"Enfin, Aïla ! Vous avez beau être mes seuls clients en ce moment, vous n'êtes pas les seuls à manger ! Mon mari est un vrai goinfre quand il s'y met, et la voisine aime que je lui apporte des choses... Moi même je garde parfois quelques restes pour un autre repas..."

Aïla lui jetta un coup d'oeil amusé : Elle n'était pas dupe !
Elle s'installa à la lourde table de bois, regardant les différents plats avec réflexion... Puis finalement prit un tout petit peu de tout. Mary était vraiment bonne cuisinière ! Tout était délicieux !
Tout en coupant un morceau de roti tendre à souhait, elle leva son visage vers Envel :

"Tout à l'heure je retourne à la taverne. As-tu l'intention de faire qualque chose ?"

Envel réfléchit un instant à la question d'Aïla, piquant distraitement de petits bouts de nourriture dans son assiette.

- "Je ne crois pas. Je n'ai plus vraiment grand-chose à faire ici. Il faudra que je retourne voir Ethnar."

Il leva les yeux et observa Aïla avec un demi-sourire.

- "Mais j'aimerais bien t'accompagner."

Ah !! Encore ce sourire ! L'esprit d'Aïla fut soudain vide. Pourquoi un simple sourire semblait-il le changer autant ?!

"Je je..."

Elle rougit, finalement répondit elle aussi avec un sourire joyeux :

"Bien sûr !"

Elle avala un quartier de tomate puis fronça les sourcils et ajouta :

"Mais tu risque de t'ennuyer, non ? Je vais servir toute la soirée, et je ne pourrais pas prendre prendre de pause ce soir car Filia n'est pas là..."

Elle se tut, perdue dans ses pensées. Le service allait être fatiguant, il y avait souvent pas mal de monde ces soirs là, alors avec une serveuse de moins... En relevant la tête, son regard se posa sur la fenêtre de l'auberge.

"Mais... quelle heure est-il ? Ah ! Mon dieu, il est déjà si tard ?!!"

La jeune femme se leva d'un bond et courrut chercher ses affaires dans la chambre. Prête, elle redescendit dans l'entrée, se tourna vers Envel :

"Tu veux vraiment venir ?"

Cela ne la dérangeait pas, bien sûr, mais elle ne comprenait pas pourquoi...

Envel inclina la tête.

- "Je ne m'ennuierai pas. J'aime bien observer. Et puis, j'ai un passe-temps."

En disant ses mots, il avait sorti un poignard de sa ceinture, qui avait émis un claquement sec. Mary sursauta, et porta la main à son coeur.

- "Grands Dieux !"

Le jeune homme eut un fin sourire et jeta un regard de biais à la gérante.

- "Je taille le bois et la pierre, Mary. Je ne suis pas un assassin."

Mary eut un air faussement offensé.

- "Mais je sais, voyons ! Vous m'avez surprise, c'est tout."

Malgré ses dires, un léger soulagement perçait dans sa voix. Il est vrai qu'avec son air impénétrable, son départ précipité et le fait qu'il parlait peu, on aurait pu penser de lui qu'il n'était pas vraiment fréquentable.
Envel se leva. Il posa son regard violet sur Aïla, qui était redescendue.

- "Je te suis."

Aïla sortit.
Elle marchait avec sa légèrement habituelle, mais flanait un peu moins que d'habitude. Sûrement parce qu'elle n'était pas en avance...
Arrivée à l'auberge, elle dit à Envel :

"Et bien... Installe toi quelque part, je dois de toute façon aller me changer avant de commencer le service."

La fameuse robe que toutes les serveuses portaient, avec simplement quelques variations de couleur ou de forme.
Aïla disparut derrière les cuisines pour enfiler la sienne. Elle n'avait pas l'habitude de porter des robes, cela la gênait plus qu'autre chose, néanmoins, elle faisait aller. Mais à l'idée qu'Envel la verrait habillée ainsi, cela la troubla, sans qu'elle sache vraiment pourquoi. Pourtant, ne lui avait-on pas fait nombreux compliments sur cette tenue qui faisait ressortir sa silhouette fine et mettait en valeur ses grands yeux verts ?

Aïla releva rapidement ses boucles dorées pour les maintenir sur son crane à l'aide du joli ruban et d'une petite pince. Quelques boucles trop courtes restèrent à chatouiller son cou. Mais avant d'entrer dans la salle, elle eut une seconde d'hésitation.
La jeune femme secoua la tête : Pourquoi soudain se sentait-elle gênée ? Etrangement consciente de ses épaules nues, du décolleté et de sa nuque dévoilée aux regards...

"Aïla, tu as un problème ?"

"Non non, j'arrive !"

Elle passa finalement derrière de comptoire, attrapa un plaateau et partit prendre les commandes de la salle déjà bondée. Le naturel revenant au galop, la gêne de la jeune femme disparut bien vite au profit de son sourire et de son rire cristallin habituels.

Envel suivit Aïla dans les ruelles, silencieux. Ils arrivèrent finalement à l'auberge où elle travaillait. Le garçon s'adossa au mur, histoire de montrer qu'il ne comptait pas commander, et attendit.
Et puis... Aïla revint. Commença à serpenter entre les tables, à prendre les commandes, ponctuant ses paroles par un rire cristallin.
Et Envel ne parvint pas à la lâcher des yeux.
La jeune fille était belle. Très belle, même. Pas de ces beautés provocantes et indigestes, non. Une beauté simple et lumineuse.
Oui. Aïla était belle.
Envel baissa brusquement les yeux.
Il sortit, presque fébrilement, un morceau de bois de son sac, et commença à le tailler.
Doucement, sous ses mains, un dragon prit forme.
Un dragon entravé, retenu par des dizaines de cordes qui lui meurtrissaient la chair, l'empêchant de déplier ses ailes et de s'envoler.
S'envoler, oui. Pour rejoindre l'oiseau qui menaçait à tout instant de lui échapper.

Le jeune homme passa la porte, jeta un regard autour de lui. Un sourire heureux naquit alors sur ses lèvre :

"Mon petit oiseau doré ! J'espérais te trouver là ce soir !"

Aïla se tourna, étonnée, puis répondit pas un sourire au voleur.

"Désirez-vous boire quelque chose monsieur ? Vous pouvez vous installer à cette table."

Monsieur ?! Il croisa, surpris, son regard brillant et amusé, et éclata de rire. Puis il s'assit, cette fois seul, et la regarda faire ses aller-retours entre les tables.
Aïla lui apporta sa commande, rit à ses blagues. Puis repartant vers les cuisines, elle fit un détour pour s'arrêter près d'Envel.

"Envel ? Veux-tu quelque chose ?"

Il n'avait rien demandé... Oh ! Il sculptait ! Elle ne voyait pas bien quoi mais...

"Aïla ! Pourrais-tu apporter ces plats à la table du fond ?"

"J'arrive !"

La jeune femme fit demi-tour, lança un regard désolé à Envel toujours adossé au mur.

"Excuse moi, à tout à l'heure."

Non, décidement, elle ne comprenait pas pourquoi il avait voulu venir !

Le voleur regarda, désapointé, le jeune homme adossé au mur. Se connaissaient-ils ? Il ne savait pas vraiment... Bah, pourquoi s'en soucier ? Ses yeux rieurs et enfantins se tournèrent de nouveau sur le petit oiseau d'or volant d'une table à l'autre.

Envel leva les yeux.
"Petit oiseau doré ?"
Le regard qu'il porta sur l'homme aurait suffi à le tuer.
C'est d'ailleurs pour cela qu'Envel baissa bien vite ses yeux violets.
Il avait peur de le tuer... d'un regard.
Le jeune homme soupira, se passa une main soucieuse dans les cheveux, et chercha en son âme la présence réconfortante d'Ethnar.
Il la trouva. Apaisé, il continua son oeuvre.
Le dragon avait le cou tendu et hurlait sa colère. Quand Aïla passa près de lui, Envel fit mine de dissimuler la figurine.
Il redoutait qu'elle la voit... et comprenne.
Comme elle l'avait sans doute compris, pour le dragon et l'oiseau...
Envel, indécis, finit par s'asseoir à une table libre. Une jolie serveuse s'approcha, lui demanda s'il désirait quelque chose. Il répondit par la négatif et la remercia d'un sourire qui fit battre plus vite le coeur de la jeune fille.
Le garçon sortit un nouveau morceau de bois. Il chercha quelque chose à sculpter de... moins explicite.
Un cerf, tiens. Pourquoi pas ?
Envel commença à esquisser la forme de l'animal, puis se perdit dans sa concentration.

L'homme entra, son capuchon encore sur la tête. Il s'arrêta un instant sur le palier, puis se dirigea lentement mais sûrement vers notre jeune voleur.

"Tient... Mais voilà notre Robin des coeurs !"

Sa voix était froide et crissante. Le voleur se tourna brusquement vers lui, quittant des yeux son oiseau d'or qui disparut dans les cuisines.

"Luuka. Que fais-tu ici ?"

Ses yeux avaient perdus leur étincelle enfantine, son expression était maintenant fermée comme il regardait l'homme dévoiler son visage et s'assoir en face de lui.

"Tu n'as pas l'air heureux de me voir..."

"Cela ne peut pas t'étonner. Je te connais."

Un sourire de biais apparu sur les lèvres minces de Luuka.

"C'est vrai..."

Un silence pesant s'installa. Luuka fixait pensivement le bois de la table, y promenant lentement une fourchette perdue. Robin ne le quittait pas des yeux, comme s'il menaçait de se faire tuer à chaque instant. Ce qui n'était peut être pas faux, d'ailleurs.

"Que veux-tu ?"

"Tu sais ce qu'ils veulent."

La réponse avait était immédiate, tranchante comme la glace. Le voleur plissa les yeux.

"Et je ne peux pas le leur donner, tu le sais aussi bien !"

Pas de réponse. La fourchette s'enfonça dans le bois. C'était on ne peut plus explicite.

***

"Claris, quelque chose ne va pas ?"

"Hein ? Oh non, tout va bien !... Aïla ! Il est tellement beau ! Son sourire ! Lui là-bas, tu vois ? Celui tout seul à la table en train de faire... je ne sais quoi ! Ses yeux, son sourire, il est si mystérieux ! Je me demande s'il à quelqu'un... Oh ! Surement, quelqu'un comme ça ne reste pas seul très longtemps ! Mais peut être qu'avec un peu de chance je pourrais lui demander..."

Aïla sourit, amusée. De toutes les serveuses de cette taverne, Claris était la sans doute la plus fleur bleue !

"Sûrement... Tu devrais essayer, on ne sait jamais !"

Pourtant, quand elle suivit le regard de la jeune femme toute exitée, elle se tut.
Regard troublant, sourire magnifique, impression de mystère... De qui aurait-il pu s'agir d'autre ? Envel...
Aïla tourna de nouveau son regard lumineux vers Claris qui continuait de parler, d'imaginer des histoires... Elle pensa alors lui répondre de finalement ne pas y aller. Lui mentir. Ne le fit pas, stupéfaite à cette idée.
Pourquoi ?
Pourquoi cela la dérangeait-il qu'elle s'interesse à lui ?

Malgré ce sentiment étrange, Aïla ne put s'empêcher d'ajouter :

"Que je sache, il n'a personne..."

La réaction de Claris ne se fit pas attendre :

"Tu le connais ?!!"

Aïla rougit, se retourna pour soulever un plateau.

"Je... ne sais pas vraiment."

"Cela veut donc dire oui !"

Mais Aïla s'était de nouveau dans ses pensées. Pouvait-on vraiment dire qu'elle connaissait Envel ? Il était si secret...

"Ainsi il n'a personne ? Ah ! Comme c'est heureux !"

A vrai dire, Aïla n'était même pas sûre de cela non plus : Envel était-il amoureux ? De qui ? Il n'avait parlé de personne. Il ne parlait pas beaucoup...

Claris s'était déjà éloignée en direction du jeune homme solitaire. Aïla posa quelques bierres sur le plateau, les distribua sur les tables, s'arrêta près d'un nouvel arrivant.

"Ils s'impatientent."

"Et que pourrais-je y faire ?!! Je ne peux faire ce qu'ils demandent ! Qu'ils trouvent quelqu'un d'autre !"

"Bonjours, vous désirez commander quelque chose ?"

"Non."

Oups. Réveille-toi, Aïla ! Tu viens de couper une conversation... plutôt tendue !
Elle regarda le jeune voleur qui la dévisageait. Tient ? Quelle étrange expression sur son visage d'habitude léger et enjoué !
L'autre l'ignorait superbement. Avait-il répondu à sa question où à la phrase du voleur ?
Comme le silence pesait, elle ajouta :

"Pardon ?"

Alors seulement Luuka tourna vers elle son visage sec aux yeux noirs. Il la détailla un instant de haut en bas, puis répondit :

"Non, je ne commande rien."

"Très bien Excusez moi, et n'hésitez pas à demander."

Sans être plus destabilisée que cela -on en voyait des drôles parfois, le soir- Aïla se dirigea vers une autre table. Robin la suivit un instant du regard. L'homme le remarqua et un sourire tordit de nouveau ses lèvres.

"Elle est interressante, n'est ce pas ?"

Le voleur pâlit. Il se tourna de nouveau brusquement vers son interlocuteur :

"Si tu oses toucher un seul de ses cheveux..."

Le sourire de Luuka s'élargit.

"Elle les a ma foi fort jolis !"

Robin serra les machoires.

"Elle n'a rien à voir là dedans !"

Luuka se leva.

"Pas encore, non, mais la suite dépend de toi..."

Il s'éloigna. Le jeune voleur le regarda quitter l'auberge, blanc comme un linge. Que faire ?! Le tuer ? Cela ne résoudrait rien, au contraire. Et il n'était pas assassin. Que faire ?! Il savait que faire... Il ne pouvait pas le faire.
Robin regarda une dernière fois la jeune serveuse aux boucles d'or voleter de tables en tables avant de se lever avec rage pour quitter la taverne.

Aïla le regarda, surprise, quitter la taverne à grands pas. elle était un peu triste de son départ, ses histoires amusantes et son regard rieur mettait une gaité fraiche et agréable à cette soirée.

Puis son regard tomba sur Claris qui par une excuse quelconque avait abordé Envel. La jolie jeune femme aux joues roses croisait ses mains dans son dos de timidité. D'où elle était, Aïla pouvait presque deviner ses yeux brillants d'histoires imaginées, de rêves romantiques.
Elle soupira. Vraiment incorrigible...

Elle se concentra sur l'autre partie de la salle. Elle évitait de les regarder, craignant ce petit pincement de coeur qui pourtant ne voulait disparaitre complètement.



HJ/ Inspiration du moment...
Je te laisse le soin de mener Claris et qui tu veux, je m'arrête là sinon je n'aurais jamais fini xD

Les yeux fixés sur son oeuvre, Envel formait le bois avec application lorsqu'une voix féminine l'interrompit.

"Excusez-moi..."

Envel leva les yeux. C'était la jeune serveuse de tout à l'heure qui l'abordait, les joues roses, les mains croisées.

"Vous êtes sûr... Que vous ne voulez pas quelque chose ?"

Le jeune homme la détailla un instant. Il n'était pas assez obtus pour ne pas comprendre la réponse qu'il ne fallait surtout pas donner.

- "Si. Finalement, je voudrais bien un verre d'eau, s'il vous plaît."

Le sourire de la jeune fille s'élargit.

"Je vous apporte ça tout de suite ! Oh ! Vous sculptez ? Je peux voir ?"

Envel eut un demi-sourire. Il lui tendit la figurine inachevée en silence.
Claris la tourna et la retourna dans ses mains, émerveillée.

"Vous avez beaucoup de talent... C'est magnifique ! Et qu'en pense votre petite amie ?"

Ce n'était pas très discret ni très bien amené dans la conversation... Mais la jeune serveuse voulait en avoir le coeur net.
Et après tout, Envel savait déjà bien avant cette question à quoi elle voulait en venir...
Le garçon récupéra la figurine, passa doucement son doigt sur les contours.

- "A dire vrai, je n'en sais rien. Je suis seul."

Les yeux de Claris se mirent à briller.

"Oh..."

Elle se ressaisit à grand-peine, fit volte-face précipitemment.

"Je vous apporte votre verre d'eau !"

Envel la regarda s'éloigner, impénétrable.
Nul doute qu'elle n'allait pas seulement revenir pour lui servir le verre d'eau...
Instinctivement, le garçon rechercha Aïla du regard.
Mais de là où il était, elle était invisible.
Envel se reconcentra sur sa figurine.