Ewënn leva les yeux vers les fenêtres.

- "Effectivement, constata-t-il paisiblement. Souhaites-tu qu'on sorte de la ville pour passer la nuit ? Cela ne me gêne pas, c'est comme tu veux."

Au moins pouvait-il faire ça pour elle...

Lili hocha vivement la tête, et repartit de plus belle pour sortir du batiment. Mais la bibliothèque était au centre de la ville, surement les portes seraient-elles fermées avant qu'ils n'y arrivent. Lili sentit la peur monter en elle. Elle accélérait au fur et à mesure que le ciel s'assombrissait, ses pieds nus foulant nerveusement les pavés de la ville.

Elle ne ralentit que devant les portes. Fermées. De peu, mais fermées. Le couché du soleil n'avait laissé que quelques reflets roses dans le ciel, que les cheveux de la jeune fille reflétaient avec beauté. Ses yeux clairs écarquillées regardaient le bois massif devant elle.
Devrait-elle vraiment dormir en ville ?

Ils étaient arrivés trop tard.
Les portes étaient fermées.
Ewënn avait perçu, non sans indifférence, la panique grandissant dans l'esprit de Lilinäo, à mesure que son pas s'accélérait.
Et maintenant qu'ils étaient bloqués à l'intérieur, la jeune fille fixait de ses beaux yeux clairs les portes de la cité.
Désarroi. Peur.
Ewënn l'observa un instant. Les cheveux de Lilinäo avaient pris la teinte du couchant, elle était immobile, les bras le long de son corps frêle.
Fragile beauté. Elle lui rappelait une fleur rare et éphémère, inconnue, qu'il avait un jour effleuré des doigts lors d'une escapade.
Le jeune homme se fit la réflexion de retrouver son nom avec son impassibilité habituelle.
Il posa doucement une main sur l'épaule de Lili, avant de la retirer prudemment.
Il se souvenait de sa réaction, la dernière fois qu'il l'avait touchée.
Et puis.. Elle devait avoir peur de lui... non ? Au moins un peu...

- "Viens. Cherchons une auberge. Il y en a des discrètes et accueillantes, à la périphérie."

Lili sursauta en sentant une main sur sont épaule. Se retournant vivement, elle croisa le regard d'Ewenn, et rougit de honte. Quelqu'un de normal ne faisait pas un tel bon juste parce qu'on lui touchait l'épaule. Et en plus, il s'agissait d'Ewenn, qui jusque là n'avait fait que l'aider !

Chercher une auberge. Lili hocha la tête, résignée à cette idée, et suivit Ewenn comme une ombre. Une ombre pâle et timide, pieds nus sous le ciel du crépuscule. Une ombre peureuse, tendue comme un arc, sursautant au moindre bruit ou mouvement dans la pénombre qui gagnait la cité. Lili ne voyait pas particulièrement bien dans le noir, et ses grands yeux clairs semblaient encore plus étrangent alors qu'elle les écarquillait en lançant des regards autour d'elle.
Dormir dans la ville...

Ils arrivèrent devant une auberge modeste, à l'air tout à fait ordinaire.

Ewënn guida, conscient du trouble de la jeune fille, Lilinäo jusqu'à une auberge discrète et un peu à l'écart. Il entra, Lili sur ses talons.
Un homme les accueilli, le sourire aux lèvres.

"Bonsoir ! Vous désirez ?"

Ewënn fit un sourire affable.

- "Bonsoir. Vous reste-t-il deux chambres ?"

L'homme hocha la tête. Il se détourna, décrocha deux clés du comptoir et les tendit à Ewënn.

"Voilà ! Si vous le désirez, je peux demander à ma femme de vous monter un baquet d'eau chaude ou de quoi vous restaurer."

Le jeune homme sourit aimablement.

- "Je ne serai pas contre le baquet d'eau ni quelques fruits, je vous remercie."

Ewënn se tourna vers la jeune fille, restée silencieuse.

- "Lilinäo ?"

Lili laissa Ewenn demander deux chambres. Puis il se tourna vers elle. Lili leva la tête. Qu'avaient-ils dit ? De l'eau ? De fruits ? La jeune fille secoua la tête en murmurant :

"Non... merci, non."

Cela devait être payant. Elle n'avait pas d'argent. D'ailleurs, Ewenn allait-il payer la chambre pour elle ? Lili se mordit la lèvre. Quelle incapable elle faisait !
De l'eau... Elle avait quitté la rivière ce matin, normalement il ne devait pas y avoir de problème, n'est ce pas ? Même si les 'crises' étaient de plus en plus rapprochées, de plus en plus nombreuses, jamais encore elle n'en avait eu deux en une journée ! Il n'y aurait pas de problème...
Quand aux fruits, la peur lui coupait l'appetit comme elle l'empêcherait de dormir.

HJ/ je suis désolée, aucunne inspi ^^"

HJ : pas grave ^^

Ewënn jeta un regard de biais à Lilinäo. Mais il ne dit rien, et monta l'escalier qui menait aux chambres.
Arrivé dans le couloir, Ewënn tendit une clef à la jeune fille et lui fit un sourire en coin.

- "Bonne nuit, Lilinäo. Et essaye de te détendre un peu."

Il ouvrit la chambre dont le chiffre correspondait à celui de sa clef, et entra.
La pièce était assez petite, mais propre et agréable. Un lit dans un coin, une table de chevet, un bureau formaient le mobilier. Une petite salle d'eau avait été aménagée à côté. La fenêtre donnait sur la rue peu fréquentée. Ewënn l'ouvrit, s'alluma une cigarette et se mit à fumer tranquillement, accoudé au rebord.
Un coup léger à sa porte. Une femme entra, lui sourit.

"Bonsoir ! Je vous amène l'eau chaude et une corbeille de fruits de saison."

Ewënn la remercia, l'aider à poser le baquet dans la salle d'eau. Elle déposa les fruits sur le bureau, sortit après lui avoir souhaité une bonne nuit.
Ewënn trouva une serviette et du savon, se déshabilla et se glissa dans l'eau chaude. Il se lava longuement, laissa ses muscles se détendre peu à peu après la longue journée. Puis il sortit, se sécha et enroula la serviette autour de sa taille. Il s'accouda de nouveau à la fenêtre, le vent frais soufflant agréablement sur sa peau nue. Ses yeux clairs fixés sur l'obscurité de la nuit environnante, il étudia pensivement l'état d'esprit de Lilinäo.
Se détendait-elle, malgré tout ?

Lili entra dans la chambre. La pièce était petite et bien agencée, avec quelques meubles utilitaires et une salle d’eau. Une fenêtre donnait sur la rue, d’où parvenaient les bruits de la ville.
La jeune fille s’assit sur le lit, tendue et silencieuse. Un chien aboya non loin, elle sursauta. Des voix lui parvinrent depuis le couloir, et Lili fixa la porte de sa chambre avec crainte jusqu’à ce qu’elles redeviennent inaudibles.
Comment était-elle sencée dormir ici ?! Le moindre bruit ne faisait qu’augmenter sa peur. Surement le pire était-il d’être seule dans cette pièce, et de se sentir entourée de tant de gens. Elle n’avait jamais dormi si proche de tant de monde.

Lorsqu’elle était avec sa mère, bien sûr elles dormaient sous le même toit. Et cela n’avait jamais été un problème pour Lili. De plus, la maison était légèrement en dehors du village, et aucun bruit ne leurs parvenaient alors, que celui du vent et des oiseaux de nuits.
Et depuis que sa mère était morte, Lili n’avait plus jamais dormi avec du monde autour d’elle. ‘Autour’ étant un périmètre qui était devenu de plus en plus large à mesure qu’elle évitait les villages, puis la moindre habitation.
Cotoyer du monde était extrèmement difficile pour la jeune fille.
Dormir en sachant la présence de quelqu’un non loin, impossible.

Lili se roula en boule sur le sol, cachée derrière le lit. Les paupières serrées, elle avait placé ses mains sur ses oreilles pour tenter d’oublier où elle se trouver.
Mais la crainte montait en elle comme ma marée avance sur la plage, sans aucunne digue pour l’arrêter.

Lili pensa à Ewenn. Il était gentil. Mais, se détendre ?! Malheureusement, il ne savait pas de quoi il parlait...

Ewënn surveillait depuis un bon moment déjà l'état d'esprit de Lilinäo. La jeune fille était troublée, et, surtout, terrifiée. Ewënn se ralluma une autre cigarette, sans cesser de guetter les changements avec une légère appréhension.
Au bout d'un certain temps, il se décida. La jeune fille ne pouvait pas dormir, et, dans ce cas, lui non plus. Il renfila un pantalon et une chemise, et sortit de la chambre.
Il frappa à la porte à côté de la sienne, là où se trouvait Lilinäo.

- "Lili. J'ai vu des livres en bas. Souhaites-tu qu'on continue la leçon ?"

Lili se crispa en entendant quelqu'un s'arrêter derrière sa porte.

"Lili. J'ai vu des livres en bas. Souhaites-tu qu'on continue la leçon ?"

Lili sursauta. Ewenn ?! Que faisait-il ?! Des livre ? La leçon ? Maintenant ? La jeune fille resta un long moment immobile. La peur paralysait ses pensées. Puis doucement, elle réussit à la faire refluer. Lentement.
Pas beaucoup.
Juste assez pour se lever précipitement et ouvrir la porte de la chambre. Oui, c'était bien Ewenn derrière la porte. Elle croisa un instant son regard clair, et ne put retenir quelques larmes de soulagement.
Elle tentait de les essuyer de sa manche, honteuse, et murmura dans un sanglot :

"J'ai peur..."

Peur.
Elle avait peur.
Le moindre bruit, le moindre contact avec un autre être humain lui faisait peur.
Pourquoi ?
Qu'avait-elle subi ? Ewënn le devinait vaguement, mais malgré son pouvoir il n'était pas dans les pensées, ni les souvenirs de Lilinäo.
Il se pencha légèrement, écarta doucement une mèche de cheveux de la jeune fille afin de voir son visage.

- "Lilinäo... De quoi as-tu peur ?"

Ewenn avait approcher la main pour écarter une mèche de cheveux de son visage. Celle-ci glissa comme de l'eau entre ses doigts, et retomba comme une caresse devant ses yeux rouges. Lili détourna la tête et le regard, n'offrant qu'un profil baissé au jeune homme.
De quoi elle avait peur ? Si seulement elle vaait pu répondre à cette question ! Malheureusement, elle savait déjà qu'il n'y avait aucune raison d'être ainsi effrayée... Alors pourquoi ?!

"Je ne sais pas."



HJ/ hum... désolée ^^"

Ewënn soupira.

- "Lilinäo."

Il la regarda par en-dessous.

- "Essaye de te prendre un peu en main. Que penses-tu qu'il pourrait t'arriver, ici ? Dis-moi ce que tu veux qu'on fasse. Mais je ne te laisserai pas avant d'avoir eu une réponse satisfaisante."

Son ton n'était aucunement moralisateur. Il avait dit ça d'une voix tranquille et neutre. Mais il voulait que la jeune fille se ressaisisse.
Sinon... Comment pourrait-elle vivre ?

Lili cette fois fit un pas en arrière en relevant subitement le visage. Ses yeux clairs semblaient glacés. Non pas de colère ou de tristesse, mais froids de... vide.
Quand à son esprit, il était aussi blanc que sont regard. Comme perdu, au milieu de nulle part.

Du bruit retentit dans l'escalier.
La jeune fille sursauta et, d'un mouvement qui semblait presque un réflexe, elle tourna les talons pour claquer la porte vivement.
Laissant Ewenn sur le palier, sans réponse.

La chambre vide, les bruits de la ville.
Lili se laissa glisser contre le bois de la porte, se roula en boule sur le sol, enfouissant son visage dans ses genoux.
Une nuit.
Demain matin, dès que les arches s'ouvriraient, elle sortirait de cette ville.




HJ/ et vlan ! xD

Hum.
Ewënn se demanda s'il devait interprêter cet acte comme un "je veux que tu me laisses tranquille."
Il s'assit dos au mur, les bras sur les genoux.

- "Si tu ne dors pas, je ne dors pas non plus."

L'avait-elle entendu ? Il ne savait pas.
Il resta immobile, à fixer droit devant lui.
Comment laisser passer cette nuit ? En laissant son esprit vagabonder ?
Ça... Ça, il n'avait jamais su le faire.
Il poussa un soupir, comme une plainte. Ses yeux se voilèrent de tristesse.
Il ne savait pas rêver.
Et il avait blessé Lilinäo.
La nuit allait être longue.

L'âme de Lilinao était noircie par la peur. Par le doute. Par un sentiment d'impuissance et de honte. Par la fenêtre, on voyait à peine les étoiles. Pas de trace de la lune.
Oui, la nuit allait être longue.
Immobile.

Au milieu de la nuit, les bruits se firent silence. Un simple et léger chuchotement, à peine audible, lui parvenait et ne pouvait lui faire oublier l'endroit où elle se trouvait. Mais à cet instant, il paraissait si éloigné.
Un nuage s'éloigna. Dans le ciel sombre, la lune fit une brève apparition. Lili leva brusquement son visage de ses bras. L'astre jettait sur sa peau et ses cheveux des reflets argentés. Surement ressemblait-elle à un fantôme.

La lune. Lili s'accrocha à cette image. dans la noirceur de son coeur apparut une petite étincelle. Minuscule. Que la jeunne fille agrippa de toutes ses forces. Elle tendit l'oreille. Lune. Une étoile. Deux. Oui, les étoiles aiment le chant de la Lune. Lili aussi. Murmure.
Dans son âme, Lili laissa grandir l'étincelle. Lentement. Jusqu'à ce qu'elle éclaire la pénombre de son coeur.
Alors, un sourire aussi léger qu'un murmure sur les lèvres, Lili referma les yeux.
Espoir.
Songe.
Rêve.

"Ne l'entends-tu donc pas chanter, Ewenn ?"

L'avait-elle pensé ? L'avait-elle prononcé ? Qu'importe, jamais un souffle aussi faible ne traverserait le bois massif de la porte.
Il ne fallait pas déranger la lune, les étoiles en seraient contrariées.

Ewënn surveillait l'état d'esprit de Lilinäo. D'abord très perturbé, sa panique s'estompa peu à peu pour laisser place à un apaisement. Ewënn, de l'autre côté, l'entendait bouger dans la chambre.
Sûrement... Sûrement, était-elle à la fenêtre.
Ewënn se passa une main tourmentée dans les cheveux. Que voyait-elle, que lui ne pouvait pas voir ? Qu'entendait-elle, que lui ne pouvait pas entendre ?
Les phénix... Les phénix ne pouvaient-ils donc pas rêver ? Ou était-ce seulement lui ?
Ewënn se leva et retourna dans sa chambre. Doucement, il ouvrit sa fenêtre et contempla la lune. Il devina qu'à côté, Lilinäo devait en faire autant.
Sauf que lui, il ne voyait que l'astre et n'entendait que le murmure de la ville.
Il craqua une allumette qui s'enflamma. Le jeune homme tira sur sa cigarette et rejeta une bouffée, comme un soupir, dans l'air de la nuit.

Un bruit. Une fenêtre qu'on ouvrait ? Lili avait perdu la lune. Les nuages masquèrent les dernières étoiles. Un enfant cria au loin.
La ville.
Lili renfonça la tête dans ses genoux, et la nuit continua de passer lentement.
Très lentement.

Finalement, c'est le corps de Lili qui eut raison de sa peur. Sortie du fleuve ce matin, blessée quoique soignée peu de temps après, émotions riches et apprentissage, pas de repas. Elle sombra dans une somnolence entrecoupée de réveils brutaux et affolés, durant lesquels elle mettait plusieurs longues secondes à retrouver ses esprits. Avant de sombrer de nouveau, vaincue par la fatigue.

Quand le ciel se vêtit de blanc pour accueillir le soleil, la jeune fille ouvrit brusquement les yeux.
L'aube.
Partir d'ici.
Elle se leva d'un mouvement te ouvrit la porte à laquelle elle était restée adossée.

Ewënn était resté la nuit entière à sa fenêtre, à suivre les changements d'état d'esprit de Lilinäo. Elle avait vraisemblablement fini par s'endormir, mais lui ne dormit pas. Il contempla le ciel en mangeant quelques fruits, fuma une ou deux cigarettes. Il était fatigué, mais il avait l'habitude. Avant qu'il ne maîtrise son pouvoir, il était réveillé sans cesse par les milliers d'auras qui l'entouraient, et pouvait suivre, impuissant, la terreur d'un homme qui se faisait agresser ou le chagrin d'une femme battue par son mari.
Insupportable. Encore maintenant, lorsqu'il dormait, il ne pouvait bloquer les auras qui lui parvenaient, et cela le réveillait presque chaque nuit.
Quand enfin le matin pointa, Ewënn se redressa et entra dans la salle d'eau. Il étudia pensivement son reflet. De légères cernes traçaient leurs sillons sous ses yeux, mais sinon, pas de signes visibles de fatigue. Il se lava le visage, et, quand il entendit la porte de la chambre de Lilinäo s'ouvrir et se refermer, il sortit lui aussi dans le couloir.

- "Bonjour Lilinäo."

"Bonjour Lilinao."

La jeune fille sursauta. Ah ! Ewenn...

"Lili."

Tous ses proches, même s'ils n'étaient pas nombreux, l'apellaient Lili. Il était étrange pour elle d'entendre ainsi son prénom en entier.

"Je... suis désolée pour hier soir."

Quelle honte ! Quelle impolitesse ! Comment avait-elle pu l'ignorer ainsi ?! Et pourtant, rien que d'y penser la troublait de nouveau.
Quelqu'un sortit de sa chambre pour traverser le couloir. Lili se glissa contre le mur, regard sur ses pieds, tendue. Quand l'homme fut passé, elle releva le visage vers Ewenn :

"Peut-on partir d'ici ? Je... Je veux quitter la ville..."

A vrai dire, il n'y aurait eu qu'elle, elle serait sortie en courrant pour rejoindre l'arche aussi rapidement que possible !
Partir voulait aussi dire plus de bibliothèque. Lili détourna le regard, honteuse. Mais à cet instant, elle ne se sentait de toute façon pas capable de se concentrer sur quelque chose, totalement obnubilée par sont besoin de fuir.

Ewënn accueillit toutes les remarques de Lilinäo d'un hochement de tête.
Il aurait aimé dire quelque chose. Aurait aimé, lui aussi, s'excuser pour la veille. Aurait aimé lui adresser son fin sourire, histoire de la rassurer un peu.
Mais il repensait à la nuit qu'il avait passé. Aux choses qu'ils n'avaient pas pu entendre, et à celles qu'il avait, malgré tout, entendu.
Lui ne rêvait pas. A la place des rêves, il avait accès à tous les sentiments et toutes les douleurs de ceux qui l'entouraient.
Aussi, il resta silencieux, ses yeux clairs comme voilés. Il descendit l'escalier, paya, remercia d'un demi-sourire un peu absent, puis sortit, Lilinäo sur ses talons.
Ils serpentèrent un moment dans les rues peu actives à cette heure. Ewënn gardait les yeux fixés sur les pavés.
Lorsqu'ils franchirent les portes, il n'avait toujours pas dit un mot.

Ewenn avait l'air fatigué, pensa Lili alors qu'elle le suivait dans la ville. Mais, tendue comme un arc, elle ne put s'en préoccuper avant de sortir de la ville. La jeune fille parut se détendre instantanément en passant les portes. Et à mesure qu'ils s'éloignaient de Woodan, ses peurs s'effaçaient lentement.

Elle leva le visage pour regarder le jeune homme. Il ne parlait pas beaucoup la veille, mais ce matin, il n'avait même rien dit. Et son silence était pesant aux yeux de Lili. L'inquiétude gagna le coeur de la jeune fille. Elle hésita puis finalement brisa le silence avec tout son courage :

"Es-tu encore en colère contre moi, Ewenn ? Je te demande pardon..."

Elle ne parvint pas à garder la tête levée. Après tout, c'était de sa faute, c'était normal qu'il lui en veuille !

Ewënn fut tiré de ses pensées par la question de Lilinäo. Il en fut surpris et lui adressa un sourire contrit.

- "Je n'ai jamais été en colère contre toi, Lili, je suis désolée de t'avoir tracassée avec ça... Je... pensais à autre chose."

Il regarda autour de lui. C'était la rase campagne, et ils étaient déjà bien éloignés de Woodan.

- "Nous séparons-nous ici ?"

Il ne savait pas ce que Lilinäo souhaitait. Peut-être voulait-elle s'éloigner le plus possible de lui, après tout, n'était-il pas un assassin à ses yeux ? Ou peut-être...
Ewënn arrêta la le fil de ses pensées et reposa ses yeux clairs sur la jeune fille.

Lili ne put retenir un sourire de soulagement. Il glissa sur ses lèvres et disparut en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire.

Puis elle se figea.

"Séparer ?"

Elle s'était arrêtée au milieu du chemin. Ses yeux transparents dans ceux, bleus glacier, du jeune homme.

"Tu veux partir ?"

Lili fut elle-même étonnée d'entendre ces mots sortir de sa bouche. C'était bien une des premières fois qu'elle était triste à l'idée de se retrouver seule ! Elle haussa les sourcils. Puis les fronça. Détourna finalement les yeux en rougissant. Argh ! Le regard d'Ewenn était troublant !

Ewënn eut un fin sourire.

- "A dire vrai, pas du tout. Mais je suis traqué. Et puis, je t'ai déjà attiré pas mal d'ennuis."

Il braqua ses yeux clairs sur la jeune fille.

- "Cela dit, si tu souhaites rester avec moi, la décision te revient. Et ce serait avec plaisir."