Après quelques minute de trot, Neyle était de nouveau parfaitement calme. Un dragon ne la dérangeait pas, deux passaient encore, mais trois, ça commençait à faire beaucoup pour la jeune jument !
Aïla la ralentit pour profiter au maximum des paysages... et de sa nouvelle compagnie.
Elle regardait Ewanaë chevaucher son dragon noir avec une curiosoté non dissimulée.
Le dragon semblait contrarié... Aïla sourit :
*Il veut s'envoler, mais elle ne le laisse pas faire !*
Voyant qu'il piétinait un peu sur place, elle fit avancer Neyle un peu plus rapidement, pour lui permettre d'allonger ses foulées.
Soudain, n'y tenant plus, elle demanda à la jeune fille avec un grand sourire :

"Dit, Ewanaë, tu veux bien me raconter d'où tu viens ?"

Pendant de longues minutes Ewa chevaucha Argawaen en silence appréciant le calme qui l’entourait. Par habitude elle humait, tout comme son dragon, le vent qui lui fournissait (en lui soufflant dans le dos) de nombreux détails sur ce qui l’entourait. Pour l’instant aucun danger. Uniquement des fleurs, des arbres et quelques animaux dans les parages.
Sa monture ne lui pardonnait toujours pas son refus de s’envoler aussi remercia-t-elle silencieusement sa nouvelle camarade lorsqu’elle fit accélérer sa jument.
Mais à la question d’Aïla, Ewanaë sursauta brusquement. Elle la dévisagea un instant pour replonger son regard dans le vague de l’horizon. Elle inspira un grand coup :

-D’où je viens ? Commença-t-elle doucement. C’est une bonne question. Je ne le sais pas trop moi-même. Disons que mon activité me force à beaucoup voyager.

Argawaen émit un léger ronflement « Ben voyons ! Activité ! On aura tout entendu ! » Se moqua-t-il.

«Sa te pose un problème peu être ? »Demanda-t-elle.

« Moi non. Mais si tu voulais restée dans le vague c’est raté ! ».

« Pourquoi tu dis ça ? » Fit-elle surprise.

« Regarde-la ! Tu crois franchement que t’as réponse ne vas pas engendrer d’autres questions ? Souviens-toi simplement comment on l’intriguait tout à l’heure».

La vampire releva alors timidement les yeux sur la jeune fille. Attendant sa réaction.

Effectivement, la réponse d’Ewanaë ne fit qu’attiser la curiosité d’Aïla. Et la première question qu’elle avait envie de poser était bien sûr ‘quelle activité ?’ !
Mais elle se garda bien de le faire. Si Ewanaë ne l’avait pas dit d’elle-même, elle n’avait peut être tout simplement pas envie de le raconter. Aïla était certes curieuse, mais elle essayait de ne pas se montrer trop indiscrète…
Ewanaë lui raconterait peut-être, et quand elle le voudrait.
Elle se contenta donc de lui sourire et répondit également à sa propre question :

‘‘Je viens du clan de l’air. Mon père est humain, ma mère… je ne sais pas trop en fait ! Je n’ai pas de souvenir d’elle, je sais juste qu’elle avait fait partie d’un peuple nomade. Je dois avoir le voyage dans le sang…
Et puis le vent me racontait des choses tellement fabuleuses et passionnantes ! Des récits extraordinaires, des choses que jamais je n’aurais pu connaître dans mon petit village. Enfin, J’ai toujours eu envie de voyager. J’ai quitté mon père après mon anniversaire.
Maintenant, je cherche les légendes, les histoires des peuples, je voyage sur et en dehors des chemins, je fais des petits numéros dans les villes ou je me débrouille seule avec ce que je trouve,…
Voilà, en résumé !’’

Ewa fut soulagé de constater qu’Argawaen avait eu tort. Sans trop savoir, pourquoi elle n’avait pas envie d’avouer à sa nouvelle camarade que son « activité » n’avait rien de très glorieux. Sa personnalité lui plaisait. L’apaisait ? Peu être pas jusque là. Mais ça si rapprochait.
Et quelque chose lui disait que lui dévoiler son statut de tueuse à gage briserait cette bonne entente qui s’était tranquillement installée. Elle sourit simplement à Aïla tout en écoutant son histoire. Un point l’intrigua pourtant:

-Le vent ? Le vent te parle ? Comment fais-tu ? Dit-elle en se penchant légèrement en avant pour mieux l’observer.

‘‘Heu… Je ne sais pas trop…’’

Elle sourit.

‘‘Le Vent est mon ami, et je le comprends.’’

Elle réfléchit quelques instants.

‘‘Comment dire…
D’abord, je ne le contrôle pas. Je n’ai jamais cherché à le contrôler… Parce que oui, il est comme un ami. Parfois, il m’arrive de lui demander de m’aider... Mais c’est toujours lui qui décide au final.
Et parfois, il me raconte des choses. Il me parle. Je n’entends pas tout, seulement ce qu’il veut bien me dire. Il le souffle à mon oreille, ou alors c’est tout l’air autour de moi qui le crie. C’est à la fois comme une voix, ou une pensée… Je ne sais pas comment l’expliquer. Parfois, c’est presque comme des images !
Le Vent a bonne mémoire, et il retient parfois ce qui se fait et se dit. C’est pourquoi j’ai dit cela au dragon blanc tout à l’heure : Il racontera ses légendes au Vent et celui ci les apportera jusqu’à moi, me les répètera.
D’un autre côté, je pense que le Vent répète tout, il faut juste savoir l’écouter. Tu sais, comme certaines personnes savent écouter les arbres…
Les légendes, surtout les plus anciennes, c’est parfois dur de les retrouver… Parce qu’elles tournent, voyagent avec le vent et s’effacent lentement. Il me manque souvent des morceaux. Alors je continue d’écouter lors de mes voyages pour tenter de les retrouver. Et puis les histoires se croisent et se séparent, se cassent… Comme les souvenirs.
En fait, toutes ses histoires sont les souvenirs du Vent !’’

Elle se tut. Que pouvait-elle ajouter ?

‘‘La dernière fois, sur la plage, il a fait s’envoler ma couverture… Et chaque fois que je pensais la rattraper, il l’envoyait encore plus haut ! Je ne l’ai retrouvée que le lendemain matin, à côté de moi !’’

Aïla rit au souvenir.

‘‘Mais il a aussi soufflé doucement sur mon feu toute la nuit pour qu’il reste allumé…’’

Elle se tourna soudain sur sa selle pour se mettre face à Ewanaë, avec un sourire gêné.

"Le vent est également mon seul compagnon de route, à part Neyle, quand je voyage seule, c'est à dire la plupart du temps. Il me permet également de rester à peut près au courrant de ce qui se passe ailleurs."

Se rendant soudain compte qu'elle parlait depuis un moment déjà sur le sujet, elle éclata de rire et regarda Ewanaë avec un regard d'excuse :

‘‘Je suis désolée, j’espère que je ne t’ennuie pas, à parler autant ! Enfin bref, ai-je réussit à répondre ne serait-ce qu’un peu à ta question ?’’

Ewa écouta attentivement la réponse de la jeune fille. Les yeux ronds elle la dévisagea. « Parler au vent »pensa-t-elle « Ce doit être fantastique ». L’anecdote d’Aïla lui arracha un sourire :

-Ne t’inquiète pas pour le temps que tu me prends pour raconter ton histoire. Actuellement il est tout à toi !Elle caressa pensivement l’encolure du dragon :

-ça te fais un compagnon de plus lorsque tu voyages. Déclara-t-elle. Moi je n’ai qu’Argawaen.

« Et alors ça te poses un problème ? »Tiqua celui-ci.

-Le vent ne sert qu’à m’apporter les odeurs de ce qui m’entourent. Continua-t-elle en l’ignorant gentiment. Mais cela m’a déjà sauvé la vie. En tout cas c’est un don intéressant que tu as là.

Elle leva son visage pâle vers le ciel, laissant un coup de vent plus important que les autres faire voler ses cheveux blond-blanc autour d’elle. Elle inspira longuement, humant ce qu’il l’entourait sans se retourner:

-Je sais par exemple que légèrement à notre gauche, plus loin derrière nous, Un cerf nous observe. Par contre je ne sais pas si nous pouvons l’apercevoir d’ici. Le vent te tient-il au courant de ce genre de chose ? Ou ne te raconte-il que des légendes ? Peu tu m’en raconter une ? Je ne jamais eu l’occasion d’en écouter.

La jeune vampire se tût, espérant ne pas être impolie à poser toute ces questions qui ne la concernait en rien.

Aïla reprit ses explications avec le sourire :

‘‘Je me sers aussi des odeurs, même si mon odorat n’est pas très fin… Mais pour moi, ce sont deux choses différentes.’’

Une démonstration… Pourquoi pas ? Que pouvait-elle apprendre ici ?
Elle se concentra.
Ecouter le vent… Une brise tourna autour d’Aïla, joua avec ses cheveux, et murmura à son oreille.

~Les champs, les arbres,… Un cerf bondissant parmi les herbes. Le vent racontait les oiseaux planant sur son dos, les fleurs qu’il effleurait en passant, leur parfum.~

Aïla ferma les yeux.
*Raconte-moi…*

~Des moissons, des saisons… la neige recouvrant tout d’un tapis blanc. Des enfants jouent. Un village... Des amants roulant dans l’herbe… Du sang.
Les fleurs ont pleuré ici. Le feu… Tristesse, mort. Ils ont tout oublié. Tant mieux… Tant pis.~

Aïla ouvrit les yeux, surprise.

‘‘Il s’est passé des choses ici… des choses affreuses. Il y a longtemps.’’

Elle fronça les sourcils et ferma ses yeux verts de nouveau.
*Raconte-moi !*

~Une terre brûlée. Ravagée. Des créatures volantes… Dragons ? Sûrement. Des dizaines, des centaines s’entretuaient dans un ciel rouge. Beaucoup tombaient. Morts. Ou les ailes déchiquetées. C’est la même chose, pour eux.~

Les images se succédaient, images de cauchemar, plus horribles les unes que les autres. Toujours plus vite, comme des flash, le vent sifflait aux oreilles d’Aïla.

~Le sol… Non, le sol restait invisible sous les cadavres. Des femmes, des enfants, des hommes,… Toutes sortes de créatures ensanglantées recouvraient totalement la terre devenue noire à force de boire du sang.~

Aïla avait la chair de poule. Que c’était-il passé ici ? Quand ? Elle n’avait jamais entendu parlé d’une telle guerre sur les terres cultivées… Les hommes les préservaient, puisqu’elles permettaient la survie d’Endora. Alors quand ?!

~Endora…~

Aïla tremblait. Elle en avait assez vu. Les épisodes sanglants étaient fréquents dans l’histoire d’Endora, et par conséquent dans les souvenirs du Vent. Les émotions intenses persistent bien plus longtemps, et résonnent bien plus loin que les autres…
Mais ces images… !
Elle ouvrit les yeux. Son regard se perdit dans les champs dorés, les fleurs sauvages. Qui pourrait croire ?
A sa grande frayeur, les images se superposèrent à la réalité. Aïla distinguait, comme des fantômes, des silhouettes courir dans les prés. Tomber. Elle ne distinguait plus les herbes vertes de la réalité sous les flammes des souvenirs.

Le Vent soufflait, de plus en plus fort.
*Arrête !*
Elle ne voulait plus les voir. Mais le Vent continuait, et Aïla ne comprenait pas pourquoi. Les larmes coulaient sur ses joues tandis qu’il étouffait son esprit de ses souvenirs lointain, o combien terribles.
*Tais-toi !!*
Mais le Vent ne cessait pas… Pourquoi ? Pourquoi ?!! Il n’avait jamais fait cela ! Etait-elle remontée trop loin ?
Elle ferma de nouveau les yeux pour tenter de se soustraire aux visions, de ne pas les mélanger avec la réalité…
*Il va me rendre folle !*
Elle se tenait crispée sur Neyle inquiète, la tête rentrée dans les épaules, et plaqua ses mains sur ses oreilles.
*Tais-toi...*

~Mort…~

‘‘TAIS-TOI !!!’’

~Sang,… mort, partout,… toujours… maudit… Maudit ! MAUDIT !!~

Aïla n’avait plus qu’une idée en tête, s’éloigner le plus vite possible de ce lieu !
Neyle ne chercha à comprendre d’où venait le danger quand elle la sollicita. Devant la détresse de sa cavalière en pleurs, elle partit au galop. Sûrement moins vite qu’un dragon, cependant plus rapidement que n’importe quel cheval normal.
Sur son dos, Aïla n'avait presque plus conscience de la réalité, son esprit comme noyé. Elle pleurait, les mains toujours plaquées sur ses oreilles. Mais le vent s'infiltrait partout, et passant entre ses doigts, déversait toujours plus atrocement ses souvenirs mortels.

'' Tais-toi... Tais-toi... Tais-toi !... Tais toi...''


HJ/ oups ! c'est un peu long ^^"

HJ/ T’inquiète sa me dérange pas.


Ewa observa son interlocutrice sans un mot. Et, chose extraordinaire, elle semblait avoir captée l’attention d’Argawaen.
Leur curiosité fut piquée à vif lorsqu’Aïla leur reparla après son bref silence :

‘‘Il s’est passé des choses ici… des choses affreuses. Il y a longtemps.’’

La vampire et son dragon détaillèrent de nouveau la jeune fille qui avait fermée les yeux. Ewa sursauta quand elle la vit se mettre à trembler. Elle avait rapprochée Argawaen de la jument et tendait la main vers l’épaule de la jeune fille, hésitant à la toucher pour lui dire qu’elle ne devait pas se sentir obligée de continuer.
Lorsque celle-ci ouvrit brusquement les yeux. La jeune femme ramena immédiatement (dans un mouvement d’une rare vivacité) sa main à elle.

Mais elle ne semblait pas être totalement revenue à elle. Ewa vit ses larmes couler sur ses joues ce qui provoqua un geste de recul chez la vampire. Les seuls moments où elle voyait les personnes pleurer étaient ceux où ils devaient faire face à la mort (elle en l’occurrence) et elle n’avait absolument pas envie de voir sa nouvelle camarde tombée. Son corps se tendit sur le dragon elle porta la main à son katana accroché dans son dos s’apprêtant à voir surgir un ennemi de tout part qui en aurait contre Aïla. « Je ne la laisserais pas mourir ! » pensa-t-elle pleine de détermination.

« Arga tiens-toi prêt ! ».

Elle le sentit tressaillir. Tressaillir ? Depuis quand son dragon avait-il de quelconque instant de faiblesse ?

« Ce n’est pas ça. » souffla ce dernier. «C’est autre chose. Le vent, Le vent est étrange ».

Il releva la tête, huma l’air, Ewa le sentait plus qu’agité.

« Que se passe-t-il ? » s’angoissa Ewa.

Soudainement Aïla se mit à hurler. Par réflexe le dragon et sa cavalière s’arrêtèrent nettes, l’un toutes griffes et crocs dehors, les ailes dépliées, l’autre avait dégainée sa lame d’un noir d’encre avant même de s’en rendre compte. Après les quelques secondes nécessaires pour se rendre compte que la jument et Aïla les avaient laissés sur place. Ewa fit partir Argawaen à toute allure pour rattraper la jeune fille. Celui-ci ne mit pas longtemps avant de combler son retard. Mais ses griffes dont ils s’étaient servit pour accroître encore sa vitesse avaient laissée de profondes empruntes sur le sol. Penchée sur son encolure, ses cheveux claquant furieusement l’air derrière elle, Ewa se mit à hurler :

-Aïla ! Reprend toi ! Il n’y a rien.

Elle avait parfaitement conscience que là n’était pas le problème mais que dire d’autre pour tenter de l’aider ? La vampire n’avait pas apprise à rassurer les gens.

Neyle ne ralentit que beaucoup plus tard, à bout de souffle et de forces.
Tel un zombie, Aïla descendit lentement de la jument, sans un mot pour, s’adosser à un arbre. Elle plaça sa tête dans ses bras, serrant ses genoux contre sa poitrine. Les larmes se tarissaient lentement, mais elle était toujours secouée de furieux tremblements.
Neyle vint doucement poser sa tête sur son épaule. Aïla la regarda et caressa son amie épuisée.

‘‘Excuse-moi…’’

Elle prit la tête de la petite jument grise dans ses bras, autant pour rassurée celle-ci qu’elle-même. Lentement, elle reprit conscience du monde réel autour d’elle. Elle s’obligea à respirer calmement, se concentrant sur les oiseaux qui gazouillaient dans l’arbre pour se détendre.
*Tout va bien…*
Le Vent s’était tut.

Se rappelant soudain la présence d’Ewanaë et de son dragon à côté d’elle, Aïla se tourna vers eux.

‘‘Je… Je suis désolée. Je ne comprends pas ce qui s’est passé, cela n’était encore jamais arrivé… Il ne voulait plus se taire… Oh ! C’était tellement horrible ! Je… !’’

Sa voix était hésitante, bouleversée. Aïla ne put continuer, et refoula une nouvelle fois ses larmes et ses tremblements. De toute façon, son regard en disait bien plus long que les mots…
Elle essuya ses yeux avant de demander faiblement :

‘‘Pourrait-on faire une pause ici quelques instants ?’’

De toute façon, Neyle était incapable de continuer, et ce malgré son endurance exceptionnelle. Aïla se leva pour défaire lentement son chargement.

Argawaen suivit sans mal le rythme de la jument. Ewa s’était quand à elle résignée à attendre que l’orage passe. Observant, inquiète malgré tout, la jeune fille bouleversée.
Elle finit par s’arrêter. La vampire vit à sa démarche chancelante qu’elle était loin d’aller bien. Elle se stoppa à quelque pas ne sachant que faire. Se fut la monture qui bougea la première et alla réconforter sa cavalière. Ewanaë resta silencieuse lui laissant le temps de reprendre ses esprits. Elle huma le parfum de l’air pour s’assurer qu’il n’y avait pas de danger puis elle descendit du dos d’Argawaen avec une étrange légèreté. Elle s’approcha un peu plus d’elle prête à lui fournir tout l’aide qu’elle aurait besoin.
Lorsqu’elle se retourna vers eux et qu’elle se mit à parler, la jeune femme fut incapable de dire quoique se soit. L’horreur et la terreur qu’elle lisait dans ses yeux lui avait enlevé les mots de la bouche.
Soudainement, Ewa se rendit compte qu’elle avait gardée son épée à la main. Elle la rengaina espérant qu’Aïla était trop secouée pour ne pas remarquer cette lame noire porteuse de mort :

-Evidemment que nous pouvons nous arrêter. Répondit Ewa à la question de la jeune femme. De toute façon vu l’état de ta jument il nous serait impossible d’aller plus loin.

Elle tenta un vague sourire.

-Nous somme parties dans la mauvaise direction. Constata-t-elle pendant qu’Aïla se levait. Le mieux serait que nous nous arrêtions pour manger ici. Sa donnera à tout le monde le temps de se reposer.

La jeune femme fit alors apparaître une large boule d’eau dans le creux de sa main qu’elle envoya délicatement dans l’air, arrêtant sa course en suspension juste sous le nez de la fille aux yeux verts :

-Prend la avec tes mains et bois. Tu en as besoins. Dit-elle d’une voix apaisante.

Elle fit alors éclore une boule plus large pour la petite jument afin qu’elle aussi puisse reprendre des forces. Ewa se retourna ensuite vers Argawaen sachant qu’il n’en voudrait pas, marcha de son pas léger dans sa direction et s’empara du peu de bagage qu’elle avait posé sur son dos. Elle en sortit quelques provisions qu’il faudrait bientôt recharger, s’assit par terre et observa la jeune fille :

-Tu voyages avec ta jument depuis longtemps ? Questionna Ewa pour lui changer les idées. Elle est fantastique. Beaucoup plus rapide et endurante que tout ceux que j’ai pu croiser par le passé.

Aïla eut un regard reconnaissant pour Ewanaë en prenant l’eau dans ses mains. Elle but lentement. Voyant qu’elle faisait de même pour Neyle, elle lui sourit.

‘‘Merci.’’

Elle sortit elle aussi ses réserves. Mais elle n’avait pas faim. Elle croqua finalement dans une pomme, sans conviction.
A la question d’Ewanaë, elle sourit.

‘‘Ce n’est qu’une jument, mais sans vouloir te vexer, je ne l’échangerai pour rien au monde, même pas pour un dragon !’’

Elle rit. C'était un rire sincère, même si cela paraissait incongru devant la tristesse qui restait dans ses yeux.

‘‘Neyle est un cadeau de mon père. Elle n’est pas seulement précieuse à mes yeux pour ses aptitudes… Elle est mon amie de toutes les galères, et c’est grâce à elle que j’ai pu commencer à voyager. Mais c’est vrai, elle est extraordinaire ! Peut être a t-elle du sang, après tout…
Mon père n’a jamais voulu me dire combien il l’avait payée… Ni combien de temps il avait du économiser pour l’acheter. Il suffit de la regarder pour comprendre qu’on ne trouve pas une pouliche comme elle sur n’importe quel marché.’’

Aïla se tourna vers la concernée.

‘‘N’est-ce pas, belle ?’’

Neyle leva la tête et s’approcha avec un petit hennissement. Aïla posa un petit baiser sur les naseaux de son amie et murmura tendrement des mots incompréhensibles à tout autre qu'elles à son intention. La petite jument grise se coucha finalement à côté de sa jeune cavalière.

Aïla croqua dans sa pomme. Elle était vraiment reconnaissante à Ewanaë. Elle se sentait mieux, maintenant.

‘‘Et vous, comment vous êtes-vous rencontrés ?’’

Ewa se mit à sourire quand Aïla affirma ne pas vouloir faire l’échange même contre un dragon. Elle écouta ensuite attentivement l’histoire qui la liait à sa jument. La vampire s’émerveilla devant ce lien qui semblait les unir. « Elles en ont de la chance » pensa-t-elle. Argawaen s’était approché silencieusement dans le dos de sa maîtresse. Il lui souffla doucement dans la nuque.
« Tu dis ça mais le lien qui nous unit est tout aussi fort ».

Ewa posa sa main sur le bout du nez de son dragon savourant sa douceur.

« Peu être » Répondit-elle « Mais notre lien n’a pas la même base que la leur ».

« J’ignore sur quoi elles l’ont basé, mais la notre est fondée sur la confiance. »

« C’est vrai » Confirma-t-elle après quelques secondes de réflexion « Après tout nous mettons nos vie dans les mains l’un de l’autre »

Mais lorsqu’Aïla lui demanda sa rencontre Ewa partit d’un rire amer :

-Notre rencontre n’a rien de fantastique. On m’a fait rencontrer Argawaen quand il avait à peine un an. Il en a aujourd’hui à peu près sept. Pour être honnête je ne suis pas libre de mes mouvements. Mais à l’époque je ne m’en rendais pas compte ou bien ça m’étais un peu égal. Je n’avais jamais connu la notion de liberté contrairement à Arga, et lui ne voulait pas la perdre. On nous a forcés à nous battre pour savoir si j’étais en mesure de le prendre comme monture. Après tout c’est pratique un dragon. S’exclama-t-elle avec rage. Nous nous sommes battus pendant plusieurs jours pour savoir qui retrouverait sa liberté ou qui commanderait notre duo. J’ai eu de la chance qu’il soit aussi jeune, sinon je n’y aurais pas survécu.... Mais j’ai finit par avoir le dessus. Nos premières années de coopération ont été dures. Je ne comprenais pas qu’il pouvait avoir besoin de liberté. Sa peu sembler étrange voir hypocrite de dire ça mais on m’a éduquée de cette manière. Durant deux ans je l’ai fais vivre dans ma tyrannie.

Ewa lui caressa doucement la joue, elle s’en voulait terriblement. Argawaen l’observa de son œil d’ébène.

« Au moins tu as compris ton erreur maintenant ».

Elle ferma les yeux avant de les rouvrir doucement.

-Et puis un jour j’ai compris l’horreur d’être forcé de faire ce qui nous répugnait, j’ai découvert la contrainte. Et j’ai compris ce que je faisais subir depuis tout ce temps à cet être respirant la liberté. Maintenant j’essais de lui montrer tout le respect et a gratitude que je lui dois mais c’est dur car je sais que je ne lui en donnerais jamais assé!

Fit Ewanaë en se tournant vers Aïla, lui souriant.

Aïla suivit la discussion silencieuse entre les deux amis, et écouta attentivement les explications d’Ewanaë.
Elle comprenait sa réticence à parler de son passé. Ils avaient l’air d’avoir vécu beaucoup de choses… et pas forcément des plus gaies. Mais elle était heureuse d’en savoir un peu plus sur son amie.

Aïla resta pensive quelques secondes après ses derniers mots.

"La liberté… J’ai toujours été libre, et je le sais. C’est quelque chose de précieux. Plus que tout, à mes yeux. Pourtant, on peut la perdre si facilement !"

Les pensées d’Aïla vagabondaient, se perdaient, se mêlaient.

"J’ai toujours pensé que le vent était plus libre que tout le monde, et j’enviais ses voyages dans lesquels je ne pouvais le suivre. Pourtant, il existe des personnes qui peuvent le contrôler. Oh ! Une infime partie seulement de son être mais… Il n’est pas totalement libre non plus. Pas toujours."

Elle regarda Ewanaë avec un regard presque suppliant :

"Que deviendra le monde si même le Vent n’est plus libre ? ! Et l’eau ? Tu maîtrise l’eau, non ?"

Elle se souvenait encore de la bulle pure qu’elle avait avalée quelques minutes auparavant.

"Qu’est l’eau à tes yeux ? Un outil ? Une entité vivante ? L’océan… Sur la plage, la mer paraissait vivante… Et le feu, la terre, tout le reste… Les Dieux maîtrisent les éléments, les contrôlent… de quel droit, après tout ?"

Elle se tut soudainement. Passa une main délicate sur son visage.

"Je suis désolée, je ne sais même plus ce que je dis !"

Elle jeta sa pomme sans l’avoir finie. Elle ne se sentait pas très bien, son esprit était flou.

"Je suis un peu fatiguée… Ca te dérange si je dors un peu avant que l’on reparte ?"

Un peu vacillante, elle se leva pour sortir une couverture d’un sac et l’étendre sur le sol. Elle ferma les yeux aussitôt allongée dessus. Un murmure s’échappa de ses lèvres avant qu’elle ne sombre dans le sommeil.

"Tu as de la chance. J’aimerais tant pouvoir réellemnt voler…"

Ewa leva les yeux vers le ciel, pensive :

-Si je voyage si souvent maintenant, je pense que c’est en partie parce que je désire comprendre ne serait-ce qu’un bout du mot « liberté ». Sur ce point Argawaen est un excellent guide. Sourit-elle.

Puis elle réfléchit à la question d’Aïla ;

-A vrai dire je ne me suis jamais vraiment demandée ce que mon élément représentait pour moi. Un peu tout. Ma seule possession quoique ce mot ne soit pas le bon. Je pense que chaque élément est comme le vent. Un esprit indomptable, à sa manière. Une personne peut donner l’impression qu’elle est douée mais en réalité face à l’élément lui-même elle ne vaut rien. Et pour moi, même un dieu ne fait qu’emprunter la puissance de l’élément. En tout cas je serais perdu sans eau dans le monde, de cela j’en suis sure.

Elle observa ensuite Aïla, la jeune fille semblait vraiment faible. Elle hocha la tête face au désire de repos qu’elle manifesta. Quand elle ferma les yeux Ewa fit glissée son épée, toujours dans le fourreau, à ses côtés, posa sa main dessus au cas d’une éventuelle attaque et inclina son visage vers le bas pour se reposer. Réflexe d’économiser ses forces dès que cela était possible.

Argawaen souffla agacé. « Depuis quand doit-on faire les nourrices pour les premiers venus ? »

Sa remarque tira un sourire amusé à la vampire. « Elle n’est pas toute à fait la première venue tu ne trouves pas ? »

Ce dernier observa alors leur nouvelle amie « Moui, c’est possible » Finit-il par admettre à contre cœur.

« Elle me fait penser à Helyan » Continua-t-elle en relevant les yeux et sa tête vers son dragon.

« Elle en a un petit air c’est vrai. Mais méfie-toi, ce n’est pas lui. » Dit-il en en s’allongeant à ses côtés, le nez dans l’herbe.

Ewanaë soupira, lasse. « Je le sais bien ne t’inquiètes pas. Son caractère est comme même très différent de lui. Ils ont juste en commun cet air d’innocence. »

« Je te met juste en garde. » Répondit-il « Je ne veux pas te retrouver dans le même état que tu l’as été ».

« Sa n’arrivera pas. Sa n’arrivera plus » Pensa-t-elle en posant ses yeux sur la jeune fille endormit.

Arga fit claquer ses crocs sceptiques. Le temps passa ainsi silencieusement, chacun attendant le réveille de l’adolescente.

*Non…*
Aïla dormait d’un sommeil agité, troublé. Des rêves, ou plutôt des cauchemars la hantaient. Des paysages noirs et rouges, des voix, des silhouettes,…
*Laissez-moi tranquille…*
Elle remuait sur la couverture, des gouttes de sueur perlaient sur son visage fin.
*Non…*

"NON !"

Elle s’était redressée d’un seul coup, ses yeux clairs grands ouverts mais le regard dans le vague, la respiration hachée. Neyle leva la tête et eut un petit hennissement inquiet dans sa direction. Aïla tangua un instant. Une brise douce vint soulever quelques mèches des ses cheveux d’or. Alors elle murmura sans bouger :

"Neyle…"

Et soudain elle retomba sur le sol. Sa respiration était redevenue calme. Elle dormait. Paisiblement.

Lorsqu’elle se réveilla quelques temps plus tard, elle s’étira. Elle ouvrit les yeux pour chercher Neyle, puis regarder Ewanaë et Argawaen. Elle leur sourit et se leva souplement.

"Combien de temps ai-je dormis ?! Vous auriez dû me réveiller !"

Elle ramassa la couverture et la secoua en chantonnant doucement. C’était une chanson ancienne, elle ne savait même plus où elle l’avait entendue. Mais elle aimait bien cet air.
Elle rit quand Neyle vint lui réclamer une pomme, qu’elle lui donna.

On pouvait croire qu’elle avait déjà tout oublié…
Ce n’était évidemment pas le cas. Ses doutes et ses peurs, Aïla les avaient enfermés, cachés au fond d’elle même. Tout simplement parce que cela ne servait à rien de se poser des questions à ce moment. Plus tard, peut être, elle tenterait d’y répondre. Elle en avait même la ferme intention ! Mais pas maintenant…

En passant devant Argawaen, sa curiosité enfantine prit le dessus. Aïla s’approcha timidement et, passant délicatement un doigt le long de la peau fine d’une aile, lui demanda :

"Argawean, quelle est ton envergure, lorsqu’elles sont déployées ?"

Ewa eut un brusque sursaut lorsqu’Aïla se releva d’un coup en criant. Elle dégaina à moitié son épée et Argawaen se redressa d’un mouvement étonnement rapide pour sa taille. Quand elle vit qu’Aïla continuait de dormir, la vampire la ramassa et se rassit, le dragon se détendit en grommelant.

« Quelle idée de se réveiller comme ça ! »

Il secoua la tête agacé, puis se rallongea. Sa remarque tira un sourire à Ewanaë, il avait beau faire son insensible lui aussi était prêt à protéger de son maximum la jeune fille qu’ils accompagnaient. La jeune fille en question finit par se réveiller :

-Pas plus d’une heure ou deux. Répondit Ewa à la demande d’Aïla.

La jeune femme se releva alors, étirant ses muscles endolorit et surveilla du coin de l’œil la fille aux yeux vert qui se dirigeait d’un pas timide vers l’impressionnante bête au couleur de la nuit. Celui-ci, toujours couché, sur le sol à la façon des chevaux releva la tête et l’observa.

Lorsqu’elle lui effleura l’aile, il se mit à frémir légèrement. Le dragon planta ensuite ses yeux d’ébènes dans ceux d’Aïla. Il approcha son nez du front de la jeune fille et expira un grand coup par ses naseaux. Argawaen releva ensuite sa tête amusée. Il la faisait languir, et sa lui plaisait !

« Arga… » Soupira Ewa avec un sourire amusé « Arrête donc de faire le gamin ».

« Peuh » Répliqua-t-il ironiquement supérieur. « Elle parle à un dragon, c’est bien connu que nous autres sommes des êtres à part ».

Ewanaë fixa le sol, prête à éclater de rire. C’était probablement la première fois qu’une autre personne que sa maîtresse lui parlait directement. Et il faisait durer le plaisir. Ce dernier finit par répondre :

« Je vais encore énormément grandir » Commença-t-il de sa voix grave animal. « Mais pour l’instant lors de mes vols je dois atteindre les 9 mètres, peut être plus mais certainement pas moins».

Il lui offrit alors son profil, surveillant la réaction de la jeune fille l’œil brillant.

« Peut être pourrais-je un jour te montrer ce que cela fait de chevaucher ton élément ».

Aïla attendit patiemment la réponse du dragon en lui souriant, soutenant son regard perçant de ses yeux verts brillant d’émerveillement.
*Neuf mètres ! Et plus encore dans quelques temps…*
Son sourire s’élargit.
Chevaucher le vent…

"Mais je le fais déjà !"

Elle se reprit :

"Enfin presque…"

Elle se tourna dans la direction de Neyle et siffla. Un sifflement doux, mais qu’elle pouvait également faire très puissant quand elle en avait besoin…
Elle dit en même temps à Argawaen et Ewanaë :

"Regardez ! Je vais me transformer en oiseau…"

Pendant ce temps Neyle s’était approchée, curieuse. Avec un sourire un peu mystérieux, Aïla sauta légèrement sur son dos. Elle se pencha sur son encolure. Neyle dressa les oreille quand elle se mit à chuchoter.
Les mots sortaient des lèvres d’Aïla comme de l’eau pure, coulant doucement dans l’air, des mots cristallins presque inaudibles.
Neyle piaffa, courbant son encolure grise.
Aïla la fit se retourner, face à la prairie herbeuse qui s’étendait devant eux. Puis, une nouvelle fois, elle chuchota à l’adresse de Neyle. Trois mots. Au troisième, Neyle partit au galop d’un grand bond vers l’avant.

Elle galopait rapidement, ses petits sabots martelant l’herbe rase avec légèreté, silencieusement. Elle semblait à peine toucher le sol.
Aïla accrocha un instant la crinière pour, d’un bond, s’élever et placer ses pieds juste derrière le garrot de son amie. Elle se redressa, écarta les bras, les yeux fermés vers le ciel. Puis Aïla recula une jambe sur la croupe de Neyle, une position légèrement semblable à une fente avant. Elle baissa la tête, les bras toujours écartés.

Il manquait quelque chose.
Le Vent.
Mais Aïla avait peur. Peur que l’événement ne se reproduise, qu’elle perde le contrôle… Pourtant, comment voler sans vent ? Elle inspira et s’ouvrit au vent.
*Envole moi…*

La tête toujours baissée, aïla baissa les bras. Lentement. Puis ils remontèrent au dessus de ses épaules et s’arrêtèrent de nouveau. Alors Aïla leva la tête. Lorsqu’elle se pencha sur le côté, Neyle pivota et commença une large boucle pour revenir dans la direction d’Ewanaë et son dragon.

Aïla battit encore des ailes. Car ce n’était plus ses bras, qu’elle mouvait comme des ailes, non… C’était bien ses ailes. Neyle semblait invisible. Et Aïla planait.
Son regard vert se posa sur ses deux compagnons de voyage. C’était celui d’un oiseau. Un oiseau dont le regard perçant se pose sur une proie.
Aïla ne s’était pas transformée en oiseau. Contrairement à Féline, elle n’en avait pas le pouvoir. Mais elle était quand même devenue oiseau. C’était devenu l’esprit de la jeune fille.
Mais se serait-elle vraiment transformée puis envolée, cela n’aurait sûrement étonné personne. Car chacun avait l’impression de voir un oiseau.

Aïla accéléra, fondant sur Ewanaë. Tout son être était oiseau. L’élégance, la fierté, la liberté. Et à l’instant où l’oiseau sort ses serres, au dernier moment, sa pleine vitesse après son plongeon, au moment où il arrive sur sa proie…

Tout s’arrêta.

Aïla redevint soudainement Aïla, son regard, ses gestes, l’oiseau disparut, le Vent se tut. Neyle réapparut, pila devant Ewanaë, Aïla replia une dernière fois ses ailes, et d’un bond sauta du dos de sa belle monture.

Elle atterrit avec légèreté sur le sol, devant ses spectateurs. Avec un grand sourire joyeux, elle leur demanda :

"Alors ?"

Le dragon et sa cavalière regardèrent pantois la « transformation » d’Aïla.

-Impressionnant… Souffla Ewa.

« Peuh elle n’a rien fait d’extraordinaire ! » S’exclama Argawaen vexé et refusant d’affirmer la vampire.

Ewanaë sourit :

-Je suis bluffé. Commença la jeune femme en fixant de ses yeux rouges dégradé vers le doré, ceux vert pure de son interlocutrice.

-Tu viens d’enchaîner plusieurs choses que je n’aurais jamais cru voir. La première est le fait que tu es réussi à toucher Arga sans qu’il n’ait essayé de te mordre, ce qui soit dit en passant relève du simple exploit, tu es certainement la première à qui cela arrive. Et la seconde est celle que tu viens de réalisée, se changer comme tu l’as fais… J’ignorais cela possible.

« Pour vraiment chevaucher le vent il faut voler ! » S’exclamât le dragon toujours de mauvaise humeur.

« Mais vas-tu te calmer ? » S’éclaffa la jeune femme.

Puis Ewa observa la petite jument grise. « Toute aussi impressionnante que sa maîtresse » Pensa-t-elle « Les chevaux galopant comme cela ne court pas les rues. Loin de là ».

Argawaen se mit soudainement à mâchouiller dans le vide. Il bailla, dévoilant ainsi ses longs crocs aiguisés. Il daigna enfin se lever et étira ses pattes antérieures vers l’avant donnant ainsi l’impression d’un gros (très gros) chat qui s’étirait. Une fois redressé de toute sa taille il écarta ses longues ailes et les fit battre bruyamment, secouant violement par la même occasion, les branches des arbres qui l’entouraient. Le vent qu’il provoqua fit d’ailleurs levé au quasi horizontal les longs cheveux d’Ewa.
Ewanaë soupira longuement un grand sourire aux lèvres et les mains sur les hanches.

« Quand grandiras-tu donc gamin ? »

Ce dernier la fixa du coin de l’œil.

« Jamais ! » Répliqua-t-il amusé « A quoi bon grandir ? Cela rend triste»

Aïla fut surprise. Alors elle était la seule qu’il autorisait à le toucher ?

"Vraiment ?"

Elle se tourna vers le dragon et s’inclina légèrement avec un grand sourire ravi.

"Dans ce cas j’apprécie le geste à sa juste valeur, et je te remercie du fond du cœur. Et malgré mes ‘transformations’, je serais ravie que tu me montre un jour Endora vue du ciel !"

Comme simple explication à sa petite démonstration, elle ajouta :

"C'est le Vent qui m'a appris."

Elle avait déjà rassemblé ses affaires et chevauchait Neyle de nouveau. Elle s’avança sur le chemin avec une mine d’excuse.

"Je suis désolée, c’est ma faute si on a fait ce détour…"

Elle n’avait que de très vagues souvenirs du chemin parcourut dans l’autre sens, et préféra laisser Ewanaë et Argawaen passer devant elle. Elle sollicita sa petite amie grise et reprit d’un ton enjoué :

"Je sais faire plein d’autres choses ! Je t’en montrerais peut être un ce soir…"

Elle leur sourit joyeusement.

Argawaen tendit son long cou vers l’avant en direction d’Aïla.

« J’ai juste récompensé à ma manière la première personne qui m’as fixé sans peur dans le regard » Dit le dragon en s’adressant à tout le monde, puis il se retourna sa tête vers Ewa. « Enfin sans te prendre en compte ».

Cette dernière sourit, repensant à leur rencontre :

-J’étais une jeune inconsciente à l’époque, et ce n’est pas avec peur que je te regardais mais avec défi.

L’animal d’ébène parla ensuite à la jeune fille.

« Le jour où tu voudras dépasser les nuages, dis le moi. Je le ferais en remerciement pour les premiers mots que tu as utilisé pour me désigner ».

Ils écoutèrent alors Aïla parler :

-Ne t’inquiète pas pour des choses aussi futiles. Répondit Ewanaë à l’adolescente sans perdre son sourire. Je ne suis pas pressée.

La vampire sauta avec légèreté sur le dos de son dragon, prenant les devants du voyage. Avant de se retourner vers Aïla en souriant :

-Dans ce cas j’ai hâte d’être à se soir !

Elle fixa ensuite l’horizon. Une légère brise vint soufflée dans ses cheveux lui apportant diverses odeurs d’animaux, de plantes et toutes autres choses qu’elle huma longuement.

« Rien de dangereux en approche. Nous pouvons y aller ! »Déclara la jeune femme à Argawaen. Bien que cela fut complètement inutile puisque ce dernier possédait un aussi bon, voir meilleur odorat que sa maîtresse. Celui-ci se mit donc en marche avec un ronronnement de chat en accord avec ce qui l’entourait.

Aïla les suivit.

"Tu sais lorsque je me transformais en oiseau pour la fête du village, je mettais une tunique blanche avec de très longues manches, et on avait vraiment l'impression que j'avais des ailes !"

Ils avancèrent rapidement sur le chemin. Mais alors qu’ils continuaient à travers les chants, Aïla ralentit. Neyle s’arrêta tandis qu’elle baissait la tête :

"Euh… Je suis désolée mais… est-ce qu’on pourrait faire un petit détour ? Je… J’ai un peu peur de repasser par ici…"

Son regard trahissait une inquiétude plus forte que ce qu’elle voulait bien admettre. Elle ajouta, sans trop de conviction :

"Si tu ne veux pas, ce n’est pas grave…"

Neyle renâcla. Pourtant, Aïla se sentait gênée : A cause d’elle ils avaient dû faire demi-tour, et maintenant elle demandait un détour !

"Non…"

Elle redressa la tête, ses yeux remplis de défi, et dit plus fermement :

"Non, ce n’est pas grave. Continuons !"

Neyle hésita un peu avant de repartir d’un petit trot léger sur le chemin de terre. Aïla respira à fond l’odeur des fleurs sauvages.
*Tout se passera bien…*
Cette fois, elle ne demanderait rien au Vent.

-Vraiment ? Répondit Ewa lorsque Aïla lui raconta un partie de son passé. La vampire leva son regard vers le ciel :

-J’aurais aimé avoir des fêtes de villages moi aussi. Dit-elle un tantinet envieuse.

Elle marqua un silence en voyant l’anxiété d’Aïla.

« Que fait-on Arga ? Elle n’a vraiment pas l’air dans son assiette. »

« On ne doit pas faire de détour. Ce n’est pas en s’enfuyant que l’on devient fort. Tu n’as pas acquis t’as force en évitant les affrontements.»

Ewanaë resta sceptique.

« Elle n’est pas moi. En ce qui me concerne s’était bats-toi ou meurt ! Il est parfois bon de se préserver et ça ne rend pas forcément plus faible ».

Argawaen renâcla, vexé.

« Pourquoi me demandes-tu mon avis dans ce cas ? Si tu ne veux pas suivre mes conseils ne les demandes pas. »

Ewa esquissa un pauvre sourire puis pencha son regard vers le sol.

« Pardon Arga, c’est juste que je ne veux pas la faire souffrir inutilement ».

« Il est parfois utile de souffrir pour grandir ».

La vampire se racla la gorge.

« Qui est-ce qui me disait qu’il ne voulait pas grandir ? » Sourit Ewa.

La jeune femme se retourna alors vers Aïla, elle vit à la lueur de défis qui animait les yeux de l’adolescente que son dragon avait raison :

-Très bien. Fit-elle. Mais si tu as le moindre problème nous pouvons faire demi-tour. Puis elle rajouta après un temps:

- Et si tu as besoin d’aide nous sommes là. Murmura-t-elle tout en restant parfaitement audible à la jeune fille et caressant l’encolure du dragon qui se grandit tout fière sous la caresse.

Ils finirent par arriver là où les problèmes avaient commencé. Le dragon marchait doucement. Ce dernier comme sa cavalière restant attentif au moindre frémissement de mauvais augure pour Aïla tout comme à la moindre réaction de la celle-ci.

A la dernière phrase d’Ewanaë, Aïla murmura :

"Merci."

Elle était pleine de reconnaissance envers ses nouveaux amis.

Neyle avançait rapidement sur le chemin, la tête haute et les oreilles dressée sur sa petite tête. Aïla aimait sa curiosité, due aussi bien à son caractère qu’à son jeune age.
Peu à peu, elle se détendit. Seule une petite brise soufflait tranquillement. Ils reprirent la bonne direction sans incident. Le Vent soufflait maintenant dans leur dos.
Aïla se remit à rire et à parler. Mais elle résista à la tentation de demander au Vent une légende pour Ewanaë. Plus tard peut être…

Et puis Aïla sentit le Vent tourner étrangement. Il semblait venir de plusieurs endroits à la fois : La petite brise soufflait toujours derrière eux, mais des bourrasques arrivaient parfois face à eux… Cela semblait peu naturel !
Aïla fronça les sourcils en regardant autour d’elle. N’y avait-il pas petite odeur de fumée ? Venant de devant eux…
*Sûrement un feu de prairie.*
L’odeur à peine perceptible laissait penser qu’il était loin.

Mais l’instance des bourrasques troublait Aïla. Finalement, le doute l’emporta et elle ferma les yeux. Le Vent lui répondit aussitôt. Au début, Aïla pensa qu’il se passait la même chose que le matin. Elle sursauta et résista avec peur.
Mais à sa surprise, le Vent céda. Cela la troubla, alors elle s’ouvrit de nouveau à ses images.

Neyle avait l’habitude que sa cavalière la laisse sans direction, et continuait tranquillement à côté du dragon, une oreille attentive tournée vers la jeune fille sur son dos.

Celle-ci rouvrit soudainement les yeux.

"Le village ! Il est attaqué !"

Ils était encore bien trop loin pour savoir ce qui se passait de manière normale, mais le Vent venait de le dire à Aïla de manière claire.
Neyle partit au galop, comme si elle lisait ses pensées… C’était peut être le cas !
Mais cette fois, ce n’était pas une fuite.

Ewanaë avait d’abord été anxieuse. Anxieuse qu’Aïla soir reprit d’un élan de panique et que tout se passe mal sans pouvoir intervenir. Mais rien de tout cela ne se passa. La vampire finit par se détendre en même temps que la jeune fille, acceptant avec joie son bavardage.
Puis tout à coup, sans prévenir, le vent tourna. Il apportait avec lui une légère odeur de fumée que l’odorat du dragon et de sa cavalière ne loupèrent pas.

« C’est étrange » dit Ewa « D’où vient cette odeur de feu ? »

Argawaen renâcla légèrement.

« Simple odeur de plat entrain de cuire » Répondit-il. « Les villageois ne mangent pas leur repas froid ».

« Ce n’est pas vraiment l’heure de manger. » Fit-elle remarquer. « Et puis… d’aussi loin. »

« Nous sommes sûrement plus proche que tu ne le penses. » Essaya-t-il de la rassurer.

Un coup de vent plus fort que les autres leur donna alors de plus ample informations. Monture et cavalier se redressèrent d’un coup, muscles tendus à l’extrême. Ils ne reconnaissaient que trop ce qu’ils sentaient.

« Cette odeur… »Commença Ewa.

« Du sang ! » S’exclama Arga.

Ce dernier bondit en même temps la jument. Il écarta ses ailes, prêt à s’envoler.

« Non Arga. Reste près d’Aïla ! » S’exclama-t-elle.

Il poussa un discret rugissement signifiant son accord. Ses lourdes pattes martelaient le sol, laissant d’énorme empruntes dans la terre. Peu à peu il distança Aïla agissant comme un rempart protecteur sur ce qui pouvait arriver en face. La vitesse à laquelle le groupe avançait était impressionnante. Il y avait une légère colline avant le village. Ils la gravirent sans faillir. Puis, un peu avant d’apercevoir la cause de leur course, Ewa remarqua un homme gisant sur le sol. Cette dernière sauta du dos de son dragon sans attendre qu’il ralentisse. Ils ne pouvaient pas se permettre de perdre du temps. La jeune femme savait par expérience que chaque seconde était précieuse. Argawaen continua seul sa couse pour voir à quoi ressemblait le village attaqué. L’odeur du feu et de la mort était suffocante. L’homme empestait le sang.
Ewanaë le retourna sur le dos pour lui parler. Il gémit de douleur, à moitié inconscient. En faisant cela elle se couvrit de sang. Par habitude des choses elle n’eut aucune réaction à ce qu’elle vit. Il était défiguré et dans un très sale état. En tant que tueuse la jeune femme comprit en une fraction de seconde qu’il était condamné :

-Que s’est-il passé ! S’exclama-t-elle d’une voix forte et autoritaire.

Il était primordial de récupérer des informations sur ce qui les attendait là-bas et ce, même si l’homme qu’elle tenait dans les bras allait mourir. Son sacrifice pouvait sauver des vies.

Aïla eut un sursaut quand Ewanaë retourna le corps de l’homme mourant. Elle connaissait la mort. Mais cela ne voulait pas dire qu’elle s’y habituait.
L’homme tenait des propos incohérents, difficilement compréhensibles.

‘‘ Des démons ! Des monstres ! Ils attaquent… Partout ! Du nord… Noirs ! Des démons…’’

Les mots apparaissaient entre ses bafouillements et une respiration difficile. Aïla s’étonna : Du Nord ?! Mais il n’y avait rien au Nord !
Finalement, elle s’approcha d’Ewanaë. Le visage de celle-ci était dur. Aïla posa une main sur son bras :

‘‘Il ne sait rien d’autre. Vas-y, je te rejoins.’’

Inutile d’en savoir beaucoup sur son amie pour deviner qu’elle était une guerrière. Et si Aïla savait se battre, elle n’en était pas une. Elle ne lui serait pas d’une grande aide.
Chaque seconde comptait, elle en était consciente.
Son regard se posa sur l’homme. Il n’en avait plus pour longtemps. Les yeux exorbités, il murmurait toujours les mêmes mots, prisonnier de ses cauchemars vivants et de la douleur. Elle ne pouvait pas le laisser comme ça !
Aïla s’approcha et s’agenouilla derrière lui. Elle prit doucement sa tête dans ses mains et la posa sur ses genoux. Avec un linge rapidement humidifié elle essuya le sang son visage déformé, évitant les blessures profondes. Ainsi pourrait-il ouvrir les yeux.

‘‘Calmez-vous, tout va bien maintenant, le village sera sauvé.’’

Les mains posées ses les tempes, elle se mit à fredonner doucement. L’homme se calma, son regard se fit plus clair.
Le ciel était bleu. Avec quelques nuages. Aïla continuait de murmurer. Une brise douce passa. Sa respiration ralentit peu à peu.

‘‘Vous êtes un ange, n’est ce pas ?’’

‘‘Chut..’’

Aïla n’arrêta sa mélodie que lorsque sa respiration s’arrêta complètement. Si doucement qu’on aurait pu croire qu’il s’était endormit, mis à part son sang qui s’écoulait toujours sur la jeune fille. Aïla ferma ses yeux et reposa sa tête sur le sol. Elle se releva et s’inclina légèrement devant le corps sans vie. Apaisé.

Quelques instants plus tard, elle sautait sur le dos de Neyle et repartait au galop sur le chemin. Elle n’avait perdu que quelques secondes. Mais peut-être celles-ci étaient-elles précieuses.
En même temps qu’elle préparait son arc, elle attacha ses cheveux d’or avec un ruban. Rouge. Comme le sang de l’homme qui coulait de ses vêtements, pour faire des taches sombres sur la robe grise de la petite jument.


HJ/ désolée pour l'attente, en plus c'est nul T-T