Loin dans le ciel un sombre oiseau battait puissamment des ailes. Il était, pour quiconque cherchait à le distinguer, qu’un unique point dans le ciel. Mais pour qui possédait une vue bien plus aiguisée que celle des aigles, pour qui s’attardait sur la silhouette incongrue, il aurait pu remarquer que la bête n’était pas un oiseau. Non. Mais un imposant dragon noir filant dans le ciel à vive allure.
Sur son dos Ewanaë s’y tenait pensivement assise, laissant ainsi sa cape d’ébène claquer dans le vent et sa capuche rabattu derrière son cou. Par la même occasion ses cheveux d’or suivaient l’ondulation du vent. Tout, autour d’elle donc, s’agitaient en tout sens. Argawaen faisait une course contre lui-même et ses vêtements peinaient à lutter contre la violence de l’air. Alors pourquoi la vampire restait-elle si stoïque ? Pour toutes réponses nous pourrions peut être dire que chaque jour son esprit se brisait un peu plus sous le poids et la pression de l’Organisation, mais aussi que chaque jour sa détermination se faisait plus forte. Elle n’abandonnerait pas Heylan. Elle supporterait encore et encore les meurtres et les viols :

#J’ai faim.# Dit subitement le dragon. # Tu m’accompagnes ?#

Ewanaë sortit brusquement de sa torpeur et regarda un instant le sol. Il avait largement diminué son altitude :

- Non. Répondit-elle. Je ne suis pas vraiment d’humeur.

Argawaen grogna mais ne répliqua rien :

- On se rejoint à la rivière. Tu auras surement soif après ta chasse.

Après un acquiescement de son compagnon la vampire fit naître une liane d’eau autour de son poignet et du cou du dragon puis se laissa purement et simplement tomber dans le vide. Elle tomba ainsi en chute libre sur une trentaine de mètres, s’arrêtant à la cime des arbres. Puis, quand elle aperçut au dessous d’elle les reflets miroitant de l’eau elle brisa sa propre attache et atterrit souplement au sol.
Si l’on ignorait les milles et uns bruits des animaux environnant, les alentours étaient plutôt calmes et silencieux. Ewa choisit donc un gros rocher à moitié submergé et y grimpa. De là elle laissa le soleil réchauffé sa peau pâle et les miroitements de l’eau danser sur son corps. Avec un soupir elle constata une présence non loin, mais ne désirant guère changer d’emplacement elle espéra simplement que la personne n’en irait sans plus de curiosité.

Ewënn volait.
Littéralement.
Sous forme d'un nuage de cendres grisâtres, il se laissait nonchalamment porter par le vent.
Cette façon de voyager était bien plus agréable que marcher.
N'ayant rien d'autre à faire, il laissait toutes les auras alentours envahir son esprit, et étudiaient certaines attentivement.
Rien de très intéressant. Les auras et états d'esprit des fourmis et des truites n'étaient pas ce qu'il y avait de plus fascinant.
Et puis, subitement, il capta une aura franchement plus digne d'intérêt.
Humaine. Non. Vampire.
Et dangereuse.
Ewënn reprit forme humaine. Le possesseur -qui s'avérait être une femme- devait se trouver à quelques kilomètres, un ou deux, selon ses estimations. Son état d'esprit était morose et troublé.
Sans hésitation, le jeune homme bifurqua dans sa direction.
Une rencontre s'avère toujours intéressante, même si l'aura de la personne à rencontrer apparaît plutôt meurtrière.
Ewënn marcha pendant un petit moment, avant d'apercevoir une silhouette assise sur un rocher.
C'était, comme son aura le lui avait indiqué, une femme. Une jolie jeune femme.
Elle leva les yeux et lui lança un regard peu amène.
Bon. Apparemment, elle ne désirait pas qu'il s'approche.
Il fit tout de même quelques pas hors de l'ombre, histoire qu'elle puisse voir à qui elle avait affaire.
Puis il s'assit et s'alluma une cigarette. Il jaugea la jeune femme de loin. Les pans de son manteau ouverts laissaient apparaître le ventre nu de la jeune femme ainsi qu'un...
Tatouage...
Ewënn l'étudia avec plus d'attention.
Impossible de se tromper.
Lors de sa "visite" à l'Organisation, il avait réussi à récupérer pas mal d'informations, ainsi qu'en consultant certains livres "interdits". Ce tatouage signifiait que la personne qui le portait avait trahi l'Organisation, mais qu'elle était trop précieuse à cette dernière pour être tuée.
Diantre.
Cette jeune femme ne devait pas être n'importe qui.
Ses yeux clairs se plongèrent dans ceux de l'inconnue. Il eut un fin sourire.

- "Voilà qui va compliquer les choses," lâcha-t-il tranquillement.

Attendons de voir si elle avait déjà eu vent de lui...

Apparemment la présence ne semblait guère encline à s’éloigner, mais plutôt à s’approcher. Après un imperceptible soupir elle dirigea donc son regard vers l’arrivant. Caché par l’ombre Ewanaë ne distinguait pas l’allure de l’individu, mais comme une réponse à son interrogation intérieure il s’avança et se dévoila à la vampire. Un jeune homme…
Merde !
Son regard se durcit. Elle se raidit, prête à réagir au moindre mouvement sachant ses deux lames de nuit près d’elle.
Un jeune homme aux cheveux roses, aux yeux de glace. Un jeune homme comme on lui avait tant de fois décrit, dépeint et enjoint à craindre. Cependant rien dans son attitude ou quoique se soit d’autres n’indiquait qu’il désirait se battre. Ce n’était peut être pas lui… Impossible. Se maugréa-t-elle. Elle avait beau être et se savoir un tantinet paranoïaque sur les bords, on ne rencontre pas tous les jours des individus avec un tel physique :

- Que veux-tu ? Que fais-tu ici ? Et que recherches-tu ? Demanda-t-elle froidement.

Damned. Elle n'était pas très zen, cette jeune fille.
En même temps, si sa réputation était parvenue jusqu'à elle, elle avait des raisons de se méfier.
Ewënn tira une bouffée de sa cigarette, puis répondit d'une voix calme :

- "Ma foi, je ne veux rien de particulier. Je me promène, et le fait que je tombe sur vous relève sans doute du simple hasard. Quant à ce que je recherche..."

Il eut un sourire en coin.

- "Bonne question. Peut-être une certaines forme de tranquillité..."

Il se rapprocha de la jeune femme, sans paraître aucunement menaçant. Ses yeux glaciers la jaugeait tranquillement.

- "Au vu de votre réaction, je suppose que vous savez qui je suis. Et vu ce tatouage, je me trouve face à une élite de l'Organisation. Donc si vous avez pour mission de me tuer, réglons cela immédiatement. Mais si vous n'avez pas reçu d'ordre précis, nous pouvons continuer à discuter calmement, qu'en dites-vous ?"

Ce type était étrange. S’il cherchait la tranquillité, pourquoi dans ce cas venait-il la voir ? Il n’était pas idiot. La preuve, il avait remarqué qu’elle était issue d’une organisation désirant sa mort…
Elle lui jeta un drôle de regard puis orienta de nouveau ses yeux vers le soleil. N’allez pas croire qu’elle avait relâché sa vigilance ou quoique se soit d’autre. Les novices considèrent toujours que quitter l’adversaire du regard est une erreur fatale, que lorsque ce dernier ne les fixe plus, ils ont là une occasion en or.
C’est souvent pour cette raison que les novices meurent rapidement…
Ce n’était là qu’une façon détournée de dire « attaque moi si tu peux ». Même si Ewa ne l’avait pas franchement dans cette optique. Si cet homme était véritablement Ewënn Cenizas, alors il n’y avait que peu de chance qu’il s’en prenne à elle. A moins qu’il ne soit fou…
Ses yeux se reposèrent sur l’homme approchant.
OH OH OH… Tout doux et pas trop près bonhomme. Le katana n’est pas hors de porté…

- Vous avez raison monsieur Cenizas. Mais je n’ai reçut aucun ordre… Dit-elle bien plus paisible qu’elle ne l’était. Et…de quoi désirez vous parler en particulier ?

Cet homme cherchait-il des informations sur l’Organisation ? Ou alors c’est cette dernière qui lui avait envoyé dans le but de la tester… Hum…dans ce cas il valait mieux ne rien lui révéler. En tout cas, il allait lui falloir aviser très bientôt sur sa conduite.

HJ : tu as changé qu'un "Cinezas" sur 2 =P

Ewënn sourit et s'assit tranquillement.

- "Bien que l'appelation de mon nom ne me dérange pas, je préfèrerais que vous m'appeliez Ewënn. Bien sûr, si pour une raison quelconque vous refusez, je ne ferai rien pour vous y obliger."

Il détailla la jeune femme avec une pointe de curiosité.

- "Quant au sujet de conversation, prenons le plus simple. Vous connaissez apparemment beaucoup de moi, du moins mon nom et mon visage. Moi, je ne connais rien de vous. Et si vous vous présentiez ?"

Ewanaë se raidit. Lui parler d’elle…:

- Bien, Ewënn. Dit-elle froidement. Et pourquoi désirez vous en savoir plus sur moi? Si vous avez envie de mieux me connaître dans le but d’essayer de me tuer je vous le déconseille. Je ne révélerais pas mes faiblesses. Et à quoi vous servirait-il de mieux me discerner ? A vrai dire je doute qu’il soit dans nos intérêts respectifs de nous fréquenter plus que de raisons. Sachez que si je découvre vos points faibles et si l’on me les demande, je n’hésiterais pas à les dévoiler…

Elle marqua une petite pause puis darda son regard dans les yeux bleus du jeune homme.
Honnête.
Ils étaient trop honnêtes. Surprise elle détourna le regard. Si elle s’attendait à ce que ce meurtrier d’une puissance surréaliste soit aussi peu conforme à l’idée qu’elle s’était faite…

- Néanmoins je peux te donner mon nom. Ewanaë.

Ça commençait bien... Elle qui ne voulais rien lui dévoiler venait de lui lâcher son nom. Certes ce n'était pas grand chose, mais on commençait toujours par donner peu puis à offrir de plus en plus. Elle allait devoir rester sur ses gardes.

Diantre.
Ewënn, afin de montrer son incrédulité, haussa légèrement les sourcils.
Puis il éclata de rire.
Un rire sincère et franc.

- "Vous vous méprenez, lâcha-t-il avec un sourire amusé. Le but de l'Organisation est de me tuer, et non le contraire. S'il n'en tenait qu'à moi, je préfèrerai être en meilleurs termes avec ses membres."

Ses yeux clairs se reposèrent sur la jeune femme.

- "Ewanaë. Joli nom. A-t-il une signification particulière ?"

Il tira sur sa cigarette. Puis le garçon devint subitement plus attentif. Il se redressa, semblant avoir "capté" quelque chose.

- "Hum. Dragon noir. Il se dirige vers nous... Est-il votre compagnon ?"

Mouais… Du bluff. C’est quand même lui qui s’était frotté le premier à l’Organisation :

- Si vous dites vrai alors pourquoi avoir lancé l’affrontement avec elle ? Vous ne nous intéressiez guère à la base. Pour être honnête je dirais même pas du tout.

C’est alors qu’il parla de son nom. La vampire se renfrogna :

- Pas que je sache en tout cas…

Elle releva la tête à l’injonction du jeune homme. Il était d’une extrême sensibilité pour détecter les auras dis donc. Elle plissa les yeux, incapable de savoir si elle avait perçut instinctivement la présence de son compagnon parce qu’ils étaient liés depuis tant d’années ou parce qu’elle ressentait elle aussi sa présence… A bien y réfléchir elle opterait très facilement pour la première solution. Mauvais point pour elle… Ewënn la battait donc à ce petit jeu. Et…. Attend ! Comment savait-il que c’était précisément un dragon ? Bon ceci allait à la limite…Mais comment savait-il qu’il était noir ?
…
C’était qui exactement cet énergumène ?!

# Arga ?#

# J’arrive.#

# Je suis avec Ewënn Cenizas il faut croire...#

Elle se sentit interrompu par un grondement sourd intérieur du dragon. Le devançant elle reprit la parole :

# Ne le tue pas …s’il te plaît. Il est trop bizarre pour qu’on se jette dessus sans réfléchir.#

Elle sentit le soupir du dragon :

# De toute façon on a aucun ordre à son sujet.#

# Exactement.#

- Oui il m'accompagne. Mais comment savez vous qu'il est noir? Questionna-t-elle.

A la remarque d'Ewanaë, le sourire d'Ewënn s'estompa légèrement.

- "Libre à vous de me croire ou pas... Mais si j'ai infiltré la base, c'était par curiosité, tout simplement. Disons que j'avais peine à croire qu'une organisation aussi sanguinaire puisse exister. C'est assez fascinant. Elle réunit les plus grandes élites et les meilleurs assassins, et pourtant rare sont ceux capables de fournir des informations à son sujet. Je voulais en savoir plus, et j'ai donc tout naturellement pensé que les informations se situaient à l'intérieur."

Il eut un léger rire, mi-figue mi-raisin.

- "Et maintenant je me retrouve constamment traqué par des criminels surentraînés. Comme si j'avais besoin de ça. Déjà que je ne peux plus entrer à Firewall... J'ai, je crois, l'art de m'attirer les ennuis les plus improbables."

Il releva les yeux à la question de la jeune femme. Il sourit.

- "Je pourrais partir dans une explication longue et fastidieuse, mais je vais faire simple. Je capte très précisément les auras de chaque être vivant sur une distance de quelques kilomètres, et je "reçois" automatiquement une certaine quantité d'informations sur le possesseur d'une aura précise. La race en fait partie."

Le regard au loin, il fixa le point d'où le dragon allait apparaître.
Pour Ewanaë, il serait excessivement facile alors de l'attaquer...

- L’Organisation n’est pas stupide. Nul besoin n’est de se révéler à ses hommes de mains… Elle ordonne. Ils obéissent. Il n'y a pas à chercher plus loin.

Toutefois elle ne put s’empêcher de tourner un regard surprit puis suspicieux vers le jeune homme :

- Pourquoi donc ne pouvez-vous plus entrer dans cette ville ?

Quel crime avait-il commis pour en être banni ? D’un certain côté… elle non plus ne devait théoriquement pas être admise là-bas. Son seul avantage résidait en le fait qu’on ignorait qui elle était, et ce qu’elle faisait réellement. Sinon… eh bien sinon couic.
Mais c’est à grand peine qu’elle réprima un sourire amer. Il détectait les auras… à plusieurs kilomètres à la ronde… Avec des informations à leur sujet…Pas étonnant qu’il n’est jamais été pris par surprise…
Elle soupira et tourna elle aussi son regard vers l’horizon. Argawaen arrivait à vive allure. Ses puissantes ailes fendaient les airs avec facilité et il était plus une tache rendue flou par la vitesse qu’on dragon bien visible. Il avait beau ne pas être d’une taille purement extraordinaire, plutôt petit pour son âge même. Il battait très certainement bon nombre des siens en agilité et en vitesse. C’est donc fort rapidement que le noble animal arriva à leur hauteur et atterrit près d’eux.
Inutile de préciser qu’il jeta un coup d’œil aussi noir que sa race à l’inconnu mais qu’un simple « non » de la vampire le fit se tenir tranquille, cela ne l’empêcha pas toutefois de s’avancer d’une démarche lourde de puissance vers sa partenaire et s’assoir à ses côtés. Il avait presque l’air protecteur. Presque. On pouvait aussi confondre son attitude avec un « un mot d’elle et tu es mort ». Ainsi il ne se serait mis près d’elle que dans l’unique but de mieux l’entendre…
Pour sa part la vampire ne savait trop comment continuer la conversation pour obtenir plus d'information sur ce tombeur jeune homme.

A l'affirmation d'Ewanaë, le jeune homme eut un mince sourire.

- "Je m'en doute. Et c'est justement pour cela que je n'ai pas attendu très longtemps avant d'aller chercher des informations de l'intérieur."

Silence.

- "Pourquoi je ne peux plus rentrer à Firewall ? Parce qu'une certaine rumeur affirme qu'un jeune homme aux yeux de glace tuerait quiconque ne lui plaît pas, et ce depuis mes douze ans. Et cette rumeur ne s'est pas affaiblie depuis, au contraire. En même temps..."

Il se tut, le temps de suivre l'arrivée du dragon noir. Celui-ci alla se poster près de sa maîtresse, image de la puissance et du danger. Ewënn l'observa d'un air imperturbable.

- "C'est sans doute la première fois que je vois un dragon d'aussi près... Impressionnant."

Il rajouta, après un instant d'observation :

- "Et magnifique."

Il reposa ses yeux clairs sur Ewanaë et eut un sourire en coin.

- "Etrange, n'est-ce pas ? Je suis en train de révéler des informations pouvant s'avérer capitales sur moi à un membre de l'Organisation, ladite bien décidée à avoir ma peau. Qui plus est, vous avez ouvertement clamé que vous dévoilerez quoi que ce soit sur moi sans aucun scrupule. C'est ce qu'on appelle se jeter dans la gueule du loup. Je ne dois pas être très net comme garçon."

Il tira pensivement sur sa cigarette, redevenu sérieux.

- "Remarquez... C'est peut-être parce que vivre ou mourir m'est indifférent, après tout..."

Il croisa brièvement le regard de la jeune femme. Il espéra soudain qu'elle n'avait pas eu le temps de remarquer la tristesse qui avait un instant voilé ses yeux d'eau claire.
C'était vrai. Personne pour qui vivre...
Alors à quoi bon ?

Bien malgré lui Argawaen émit un léger ronronnement. Indubitablement les gens qui avaient du gout montaient assez vite dans son estime…

- Effectivement vous êtes étrange. Confirma la vampire. Mais après tout, ces révélations peuvent aussi être fausses et n’être dites que dans le but ou de me perturber (ce qui en soit était assez réussis) ou d’engager l’Organisation sur de fausses pistes pour vous voir mourir. Cela vous aiderait donc beaucoup.

Cependant la dernière phrase d’Ewënn lui parût sonner trop vraie pour être mensongère et c’est difficilement qu’elle se retint de lui dire que son cas était semblable à peu de chose près. Elle ne craignait pas vraiment la mort, mais ne la désirait pas non plus. Une autre vie dépendait de la sienne. Une vie qui si l’on calculait en valait plusieurs… La vampire tiqua. Ne pas réfléchir et obéir. C’est tout ce qu’elle avait à faire. Elle secoua doucement la tête faisant onduler par la même occasion ses cheveux d’or :

- Ainsi donc vous ne tenez pas à la vie ? Pourquoi tuer tant de monde dans ce cas ? Si la vie n’a pas de valeur à vos yeux elle en avait certainement pour ceux à qui vous l’avez retirer.

Ewënn eut un sourire amer.

- "Parce que, ironie du sort, je suis un justicier dans l'âme. Je ne capte pas seulement les auras, mais aussi les états d'esprit des personnes présentes autour de moi. Ce qui fait que si l'une d'elles possède des envies meurtrières, je le sais. Je me trouve alors dans la situation du choix de laisser vivre ou de faire mourir. Et, le plus souvent, je choisis la deuxième solution. Mais le problème, voyez-vous...

Il s'interrompit pour tirer une bouffée de sa cigarette.

... c'est que l'entourage visé par cette personne meurtrière, lui, ignore tout de ses intentions. Ce qui signifie que l'on me prend la plupart du temps pour un assassin. Ce que je suis, sans doute, malgré que quelqu'un m'ait, un jour, infirmé cette hypothèse."

Il leva les yeux, plongea son regard clair dans celui de la jeune femme.

- "Alors je m'éloigne. Je tâche de ne jamais rester trop longtemps avec une personne à qui je tiens. J'essaie d'ignorer les états d'esprit qui m'entourent, des plus innocents aux plus meurtriers. Mais c'est dur. Pour tout vous avouer, j'ai du mal à le supporter. Quant à pourquoi je tue ceux qui veulent me tuer ?"

Le garçon resta un instant silencieux, pensif.

- "Je suppose que cela tient plus du réflexe de survie qu'à autre chose. Quelque part, je me dis qu'il me reste un espoir, quelque chose qui ferait que la vie aurait encore pour moi une certaine valeur. l'espoir que tout cela se termine un jour, ou que je perde mes pouvoirs, ou.. n'importe quoi. Mais quelque chose qui arrêterait cela."

Il se tut, sourit doucement.

- "Je parle trop. Et vous, vous ne dites rien. Vous avez raison, je suppose. Vous êtes extrêmement méfiante... Pourtant, vous n'avez pas encore chercher à vous éloigner. Pourquoi ?"

- Parce qu’il est toujours utile d’en savoir plus sur une personne que l’on devra possiblement tuer un jour.

La réponse avait fusé, immédiate, sans le moindre doute. Ewanaë se mordit la lèvre. C’était un piège :

- Vous êtes doué vous savez. A me parler si franchement vous m’incitez à suivre le mouvement.

Intérieurement la jeune femme rageait. Elle si méfiante d’ordinaire baissait peu à peu sa garde. Non. Non ! NON ET NON ! Hors de question de se laisser embobiner. Elle inspira impassiblement puis retourna son regard encore une fois vers monsieur cendre :

- Que de belles paroles. Toutefois sachez que le jour ou vous perdrez vos pouvoirs vous y perdrez aussi la vie. Non seulement parce que l’Organisation enverra sur vous des assassins jusqu’à la fin des temps si besoin est, mais aussi parce qu’à tant tuer autour de vous… je doute que vous n’ayez que des amis… Et si je peux vous donner un conseil, ne vous attacher pas trop aux personnes que vous croisez. Quand l’Organisation ne peut atteindre une cible elle vise et anéantie ce qui l’entoure…

Sur ces paroles rassurantes elle sauta à bas de son caillou et se mit doucement à marcher dans l’eau, s’autorisant se petit plaisir car sa profondeur relativement faible lui permettrait de réagir instantanément et dans les mêmes temps que sur la terre ferme.

Ewënn darda un regard impassible sur la jeune femme, qui commençait à s'éloigner.

- "Je crains malheureusement que vous n'ayez raison..."

Il réfléchit un instant. Hésita. Longuement. Très longuement.
Puis sa question, totalement incongrue et pourtant d'un sérieux effrayant, claqua comme un coup de fouet dans l'air qui semblait s'être suspendu.

- "Si vous souhaitez tant rendre service à l'Organisation... Pourquoi ne pas me tuer maintenant ?"

Le regard insondable, le garçon fixait Ewanaë qui s'était subitement retournée.

- "A quoi bon vivre, lorsque l'on ne compte pour personne, et que l'on fait systématiquement du mal aux personnes qui comptent pour nous ?"

Pas de doute possible. Dans les yeux clairs du jeune homme, une franchise ne pouvant être feinte.

- "Je ne me défendrai pas. Je ne ferai rien. Vous pouvez croire que c'est un piège. Tant pis. Mais j'en ai assez. Il faut en finir."

Il eut un triste sourire, murmura une phrase qui semblait ne pas avoir de sens :

- "Et puis, ne dit-on pas qu'un phénix renaît de ses cendres ?.."

Ewanaë se retourna lentement :

- Je vous l’ai déjà dit. Aucun ordre…

Elle haussa les épaules. Un instant elle avait cru qu’il parlait pour elle puis avait perçu sa méprise :

- Ce n’est pas à moi de donner une réponse. Je ne suis pas vraiment le genre de personne à qui il faut s’adresser pour ce genre de chose. Je suppose que vous vous en doutez. Toutefois vous vous trompez. Vous n’êtes pas un phœnix… Un homme… Vous êtes juste, un homme. Mais si vous voulez mourir…alors il me semble qu’il y a une falaise non loin du haut duquel vous pouvez sauter…

Tout en parlant elle pointa vaguement du doigt un endroit vers le nord. Elle se retourna une nouvelle fois pour poursuivre son chemin. De dos elle continua :

- Néanmoins je vous dirais une chose. Rare sont les personnes capables de défendre et des protéger autrui sans contrepartie. Des personnes suffisamment fortes et honnêtes pour tuer des personnes telles que…moi.

Elle avait hésité un instant mais finalement….

- Or ce genre de personne manque souvent. Vous devriez éviter de mourir. En consacrant les pensées du leader sur vous, vous l’empêchez de réfléchir sur la mort d’autres individus…

Ewënn resta silencieux, tout le long de la tirade de la jeune femme. Puis :

- "Vous avez tort sur un point. Définir quelqu'un en s'arrêtant à son espèce est une méprise. Je ne suis pas un homme, comme vous le croyez. C'est la seul certitude que j'ai, et je refuse qu'on me l'arrache."

Il leva les yeux, eut un sourire.

- "Acceptez-le ou non. Mais je suis un phénix, quoiqu'il en paraisse. Cependant, pour le reste..."

Pause. La jeune femme lui tournait le dos. Elle semblait prête à repartir.

- "Merci."

Simple mot. Mais tellement sincère.
Ewënn eut un sourire en coin.

- "Contrairement à ce que vous voulez faire croire, vous êtes charmante. Et vous ne semblez pas porter l'Organisation dans votre coeur..."

- Dans ce cas je suis un requin. Répondit paisiblement la vampire.

A vrai dire elle ne comprenait pas. Certes il pouvait s’associer à un animal, mais de là à s’en prendre pour un véritable… Il avait peut être des relations privilégiés avec eux. Il avait peut être des similitudes avec cet espèce. Mais pour elle, un être comme Ewënn ne pouvait qu’appartenir à la race humaine, ou vampire, ou elfique…bref. Dans la catégorie Homme.
Pragmatique ? Terre à terre ? Oui, surement.
Une nouvelle fois elle tourna sur elle-même :

- Pourquoi ? Je ne crois pas avoir fais quelque chose en particulier…

Elle fixa le jeune homme devant elle avec suspicion. Cherchait-il des aveux ? Cherchait-il à lui faire dire que oui elle détestait de chaque fibres de son corps cette foutue Organisation qui l’attachait comme un chien. Qui enserrait ses chaînes autour de son corps et de son esprit. Qui abusait d’elle comme les soldats vainqueurs le faisaient des femmes éplorées, victimes des guerres…
L’éclat de haine féroce à l’état pur brulant dans ses yeux à ce moment là n’était que trop explicite pour qu’elle ne puisse nier quoique se soit :

- L’Organisation et moi n’avons effectivement pas toujours de très bonnes relations.

Instinctivement elle portal a main à ce qui prouvait ses dires.
Sa cicatrice sur son bas ventre :

- Malheureusement nos avis ont beau divergé je ne peux me soustraire à mes … obligations. Je dois aussi préciser que vous si vous saviez réellement qui j’étais, mais surtout ce que je faisais… alors bizarrement je paraîtrais bien moins charmante à vos yeux.

Ewënn eut un fin sourire.

- "Non, je ne crois pas."

Parlait-il de la première affirmation d'Ewanaë ? Ou de la dernière ?
Il n'y avait pas vraiment de façon de le savoir...
le garçon se releva, sortit une cigarette de sa poche.

- "Puisque j'en suis à vous livrer des informations sur moi... Que savez-vous exactement de mes pouvoirs ?"

Il darda ses yeux clairs sur la jeune femme, imperturbable.

- "Histoire que je puisse vous renseigner plus justement..."

Cette fois-ci Ewanaë se tendit encore plus. Quel imbécile révélerait ses pouvoirs à une personne qui, un jour très certainement, voudrait sa mort ?
Il manigançait quelque chose, c’était obligé. Elle plissa les yeux. Ou alors il cherchait juste à connaître ce qu’elle savait de lui pour ensuite se battre en utilisant ses facettes inconnues… Oui c’était une bonne supposition :

- Et quel intérêt aurez vous à me donner la possibilité de vous contrer pour pouvoir vous tuez ?

Il se fichait d’elle.
Ne lui avait-elle pas enjoint de vivre pour continuer de protéger ceux qui en étaient incapable ? En fin de compte, il n’avait cure de ses paroles. Son seul objectif paraissait être de mettre le trouble dans son esprit et/ou de récolter plus d’informations pour venir à bout d’elle…

Ewënn ne put retenir un sourire devant la réaction de la jeune femme. Elle était décidemment plus que méfiante.

- "Aucun, il est vrai, admit-il tranquillement. Mais puisque je suis parti pour tout vous révéler, autant continuer."

- Certes c'est une proposition intéréssante mais ça n’en reste pas moins quelque chose d’insensé. Ne vous a-t-on jamais dit ou enseigné de ne dévoiler ses faiblesses à l’ennemi sous aucun prétexte ? Et qui me dit que vous me raconterez la vérité ? Ou alors que vous ne montrerez pas ce don, en m’utilisant comme cobaye ? Certes je ne l’ai jamais vu. Mais j’ai ouïe dire qu’il était plus qu’efficace et dans les rares moments de calmes qui m’appartiennent je ne tiens pas à combattre. Je tue déjà assez souvent comme cela.

Sa dernière phrase avait été lâchée comme si un gout amer lui était resté dans la bouche.

Ewënn écouta impassiblement la tirade de la jeune femme.

- "Je comprend vos réticences. Mais pour moi, vous révéler mes pouvoirs ne changera pas grand-chose. Car votre état d'esprit, le ton de vos paroles et votre regard m'incitent à croire que vous ne direz rien à l'Organisation. Toutefois, je peux me tromper."

Il se leva. Alla ramasser un galet sur le rivage. Il leva la pierre ronde et plate devant son visage, observa un instant les reflets clairs qui dansaient sur sa surface lisse.

- "Il est vrai aussi que je pourrais vous mentir. Cependant, je ne le ferai pas. Mais dans le cas présent, une démonstration me paraît plus appropriée. Ne vous en faites pas, vous ne me servirez pas de cobaye. Moi aussi, je préfère éviter de tuer quand je n'en vois pas la nécessité."

Le garçon revint s'asseoir face à Ewanaë. Le galet reposait dans sa paume.
Puis... plus de galet.
Seulement quelques cendres vite éparpillées par le vent.
Ewënn plongea ses yeux clairs dans ceux de la jeune femme, qui étaient restés fixés sur le galet durant le temps de la "démonstration".

- "Voilà. C'est ça, mon pouvoir."

Soudainement, il sourit.

- "Je suis celui qui créé la cendre et renaît des siennes. Quel mot associeriez-vous à cette définition ?"

- Effectivement vous pouvez vous trompez. Si l’on me demande des informations sur vous, comme je l’ai déjà dit plutôt je les fournirais.

Puis elle eu droit à la petite démonstration.
Impressionnant et efficace… L’espace d’un instant elle se demanda si son entrainement qu’elle s’imposait afin d’agrandir son don aqueux serait en mesure de le contrer. En toute honnêteté…non. Il ne lui semblait pas avoir besoin de réaliser un mouvement spécifique pour réussir son petit tour. En gros… elle n’avait aucune chance.
Elle n’aurait peut être pas dû être si honnête avec lui… Trop tard :

- Simplement une personne qui à un don effarant d’efficacité. Répondit-elle le visage impassible. Mais comment occupez vous vos journée si vous ne pouvez vous posez à cause de l’Organisation ? Comment faites-vous pour survivre à vos besoins ? Vous vivez toujours de la nature dans ce cas ?