Isas était en pleine forêt. Sur aucun chemin, sur aucun sentier. Isas n’aime pas suivre ce qu’on lui indique.

L’elfe marchait d’un pas mesuré, tranquille il n’était pas pressé.
Bizarrement il esquivait les arbres. Pour une fois il laissait la nature le guider. Il faut dire qu’il cherchait un coin… reposant. Pas qu’il soit épuisé. Non. Il voulait juste un peu de calme pour faire le point. Il n’avait pas vraiment eu le temps d’analyser ce qu’il avait fait.

Il avait tué son père après tout.

Il trouva enfin « son arbre ». Le tronc était lisse, les branches ne commençant que plusieurs mètre plus haut et étaient suffisamment épaisse pour supporter son poids.

Ne prêtant pas grande attention à Ingwë, de la taille d’un chat, qui s’amusait à courser les petites bêtes dans l’herbe. Il sauta jusqu’à la première branches. Sans prendre d’élan particulier. Un humain normal aurait fait ce même geste pour monter sur un objet situé 70 cm plus haut. Isas arriva, lui, 4 mètre au-dessus.

Il s’adossa contre l’arbre. Une jambe tendue sur la branche, l’autre balançant négligemment dans le vide.
Il ferma les yeux à demi et réfléchit. Il revit le visage de sa mère, qui laissa place très bientôt à celui de son père. Il revécut alors le combat qui les avait opposés. Surtout la fin. Le regard un peu surpris de l’elfe noir lorsque la lame d’Isas avait transpercé son cœur. Et puis lentement, il avait fermé les yeux avec comme une expression de regret et de désespoir sur le visage.
Isas soupira et regarda le vide un instant.
Soudain l’arbre sur lequel il s’était perché lui souffla d’une voix plusieurs fois centenaire :

#Un inconnu approche.#

L’elfe se contenta alors de répondre d’une posément :

-Je sais. Je l’attends, je ne le crains pas.

Le petit Ingwë grimpa alors vivement sur le tronc vertical et se posa aux pieds d’Isas comme un jeune chien dressé. Le maître tourna juste un peu la tête en direction de la silhouette qui se dessinait. Impassible.

Envel marchait. Au hasard, comme toujours. D'un de ses poignards, il taillait un morceau d'écorce ramassé un peu plus tôt. Il ne faisait pas vraiment attention à ce qu'il faisait, ce contentant de jeter quelques regards distraits à son oeuvre. Le garçon, devenu excessivement habile de ses mains, aurait pu faire fortune en vendant les figurines de toute sorte, de toute matière, qu'il élaborait sans trop s'en rendre compte au fur et à mesure qu'il parcourait Endora.
Envel regarda enfin le morceau d'écorce maintenant achevé. Ses yeux se plissèrent. Comme d'habitude, sans y faire attention, il avait encore sculpté un...
L'oeuvre se fissura soudain, avant de se transformer en une sciure fine que le vent dispersa. Envel continua son chemin sans un mot.
Puis, il leva les yeux. Un bruit imperceptible, un infime craquement... Le jeune homme tourna la tête vers la cime d'un arbre proche.
Il y avait quelqu'un.
Envel rangea son poignard. Inutile de faire croire à l'inconnu(e) qu'il était dangereux. Bien que ce soit le cas.
Et comment.
Il s'approcha lentement de l'arbre où il supposait qu'il y avait quelqu'un. S'appuyant contre le tronc, les yeux dans le vague, Envel lança de sa voix monocorde (mais oh combien magnifique =P) :

- "Vous pouvez descendre, je n'ai pas encore eu de pulsion meurtrière aujourd'hui."

Isas ne quitta pas du regard le jeune homme. Ce dernier ne semblait pas l’avoir remarqué. Puis Ingwë se repositionna, une de ses griffes ripa alors sur la branche. Le griffon eut le droit à un regard meurtrier de la part de l’elfe.
Le bruit allait indéniablement les faires remarquer.

#Pardon# S’excusa Ingwë.

Mais l’un comme l’autre savait que l’incident était déjà oublier. Leur attention revint donc sur l’inconnu qui s’adossait au tronc. Il parla.
Isas leva un sourcil surprit et eut un léger sourire amusé :

-Crois-tu que je sois monté dans cet arbre parce que je te craignais ? Tu es bien insolent gamin. Qui plus est j’estime être suffisamment grand pour savoir à quel moment je veux ou simplement peux descendre. Répondit Isas de sa voix grave. Et je ne crains pas tes pulsions meurtrières. Finit-il un tantinet menaçant.

Ingwë regarda son maître interloqué. La tirade la plus longue qu’il est pu prononcer depuis…oula depuis des siècles !

Envel écouta l'inconnu lui répondre (un homme, nota-t-il), d'abord arrogant, pour finir un peu menaçant. Le garçon, toujours regardant devant lui, répondit impassiblement.

- "Je n'ai jamais supposé que vous étiez monté parce que vous me craigniez. Quant à mon "vous pouvez descendre", ce n'était qu'une simple proposition."

Estimant qu'il était inutile d'en dire plus, Envel s'assit et fit tournoyer son arme favorite entre ses doigts.

-Proposition qui ne m’intéresse pas. Répondit Isas.

Il resta immobile. Toujours silencieux. Mais la présence du jeune homme l’agaçait. Il voulait être seul. Ingwë se leva alors et sauta à terre. Il se posta devant le jeune homme. Un adorable et racé petit griffon de la taille d’un chat.
Assis, la tête incliné sur le côté à la façon d'un chien, il observait sans gène le nouvel arrivant. Hésitant à trouver une quelconque solution pour les forcer à se parler.

Envel arrêta de faire tournoyer son arme lorsqu'un petit griffon vint atterir devant lui avant de l'observer d'un air interrogateur. Le jeune homme, toujours impassible, tendit la main pour gratter le griffon sous le menton, à la manière d'un chat.

- "Salut, toi."

Pour la première fois depuis qu'il était adossé au tronc, Envel daigna lever les yeux pour observer celui qui semblait accompagner le griffon.
Un elfe, sans aucun doute. Beau, évidemment, c'était une caractéristique de cette race. Des yeux verts de chats, des cheveux noirs. Plus grand que lui apparemment, mais pas de beaucoup. Plus vieux de quelques années. Un air peu amène peint sur le visage. Envel reporta son regard sur le griffon.

- "Ton maître n'est pas très causant. je ne peux pas lui jeter la pierre, je suis pareil."

Le garçon ramassa ensuite un morceau de branche, puis il sortit un de ses poignards et commença à le tailler, comme il l'avait fait un peu plus tôt. Sauf que cette fois, il faisait attention à ce qu'il sculptait, jetant quelques coups d'oeil au petit griffon avant de se concentrer de nouveau sur son oeuvre.
Le bois prit vite forme. Lorsqu'il eut sa forme générale, Envel sortit un poignard plus fin et ouvragea le bois, dessinant de la pointe du couteau les détails les plus infimes avec une dextérité étonnante. Son travail achevé, Envel le leva à la lumière pour l'examiner.
Le morceau de bois était devenu une magnifique figurine, représentant le petit griffon qui lui faisait face avec une grande précision. Envel lui tendit la sculpture miniaturisée.

- "Tiens, je te l'offre."

Ingwë appréciât le geste d’Envel. Il émit un léger ronronnement de plaisir.

#Tu devrais faire ça plus souvent Isas.# Fit-il nargueur.

Puis il glapit. Un rire à sa façon quand Envel reprit la parole.

#Ha ha !# S’exclama-t-il à l’adresse d’Isas. # Tu vois que tu fais un peu associable !#

L’elfe concerné abaissa brièvement son regard sur les deux êtres en bas et répondit par un regard qui signifiait assez clairement.
" Si tu crois que sa m’intéresse…"

Puis l’inconnu sortit un poignard. L’elfe se raidit imperceptiblement puis se détendit. Il n’avait apparemment pas l’air de vouloir s’attaquer à Ingwë.
Au contraire il confectionnait quelque chose. Isas eut tôt fait d’en deviner la fin. Il faut dire que le jeune humain était doué.

- Tiens, je te l’offre.

Ingwë bondit sur ses pattes, s’approcha doucement, flaira l’objet et tenta de le prendre dans sa gueule. Trop grand. Il se mit alors à grandir. A peu près jusqu’à avoir la taille d’un labrador bien que se fût encore loin d’être sa véritable hauteur. Il saisit la figurine d’un geste vif et s’écarta tout aussi rapidement. Une fois à quelques mètres il prit le temps d’observer le chef-d’œuvre.
Quand cela fut fait il se rempara de l’objet et fonça droit sur l’arbre. Sauta juste au-dessus de l’humain et avec l’aide de ses griffes, monta comme précédemment le tronc à la verticale.
Il arriva à hauteur de l’elfe. Ce dernier replia sa jambe vers lui afin de laisser plus de place au griffon qui désormais prenait bien plus de place. Celui-ci déposa alors délicatement son paquet et lui dit :

# Tu as vu ça, Isas ? C’est trop bien fait hein ?!#

-Moui si tu le dis. Fit-il faussement dubitatif.

# Allé quoi. Reconnais qu’il a du talent.#

Sur ce le « petit animal » eu droit à un regard qui signifiait grosso modo « Pour qui tu me prends ? Je reconnaîtrai rien du tout. » Ce qui eu pour effet de clore un instant le bec du griffon.
Il y eu un instant de silence. Puis…

# Transmets-lui mes remerciements les plus sincères.# Dit Ingwë tout guilleret d’avoir trouvé un moyen de faire parler son maître.

-Pourquoi je ferais ça ? Répliqua Isas peu enclin à accepter.

Aie ! Pendant une courte période le griffon avait oublié le caractère impossible de son ami et maître.

# Parce que je te le demande!#

Isas soupira. Il savait qu’Ingwë le tannerait jusqu’à ce qu’il le fasse…alors autant le faire :

-Tu as les remerciements de mon griffon. Lança-t-il au vent de mauvaise grâce.

# Et dis lui que je trouve qu’il a énormément de talent.# Ajouta Ingwë à toute vitesse.

-Non! Répondit abruptement Isas.

Il y gagna un air supplieur et déçut de l’animal. Ce à quoi Isas rétorqua par un regard « tu me cherches, tu va me trouver ».

Envel, entendant les remerciements que lui transmettaient Isas, leva les yeux vers le griffon.

- "Je t'en prie."

Puis le jeune homme se leva, rajusta son arc et se tourna vers le chemin.

- "Bon, eh bien, ravi d'avoir fait votre connaissance."

Ingwë mit un petit temps de réflexion avant de comprendre que le jeune homme partait.

# Ah ! Non ! Dit lui de rester Isas !#

- Pourquoi ? S’il veut partir c’est son problème. Laisse le donc.

# Mais naan ! Tu lui as pas encore dis qu’il avait du talent !#

- Et je ne lui dirais pas.

# Oh que si…# Répondit le griffon d’un ton qui commençait légèrement à devenir menaçant.

- Non… Non. NON INGWË !

En effet l’animal commençait à reprendre sa forme initiale…sur la branche en fixant dangereusement Isas. Autant dire que celle-ci allait céder. Et c’est ce qu’elle fit.
L’elfe se rattrapa sans mal et atterrit délicatement sur le sol à la manière d’un ninja, comme si s’était lui qui avait décidé de descendre de son propre chef. Ingwë par contre se ramassa superbement par terre. Emiettant plus encore la branche qui avait cédée.
Mais sans attendre il se posta devant le jeune humain, lui barrant la route, et grogna. D’un grognement profond qui montrait qu’il n’était plus l’adorable petit griffon-chaton d’il y a quelques secondes. De toute façon cela se voyait. Ingwë faisait à présent la taille d’un cheval de trait. Ses plumes, son pelage et ses immenses ailes le rendant encore plus imposant.
Il avait maintenant l’allure d’un animal de combat, les poils-plumes hérissés…prêt à attaquer.

Isas soupira, habitué au caractère surexcité de son compagnon :

-Il fait ça parce qu’il tient absolument à ce que je te dise qu’il trouve que tu as du talent. Finit-il par lâcher.

Ingwë se rasséréna. Devenant ainsi un fin et somptueux griffon.

# Et bah voila c’était pas si compliqué !#

Envel était quelque peu surpris par le remue-ménage et la transformation impressionnante du griffon, mais n'en laissa rien paraître, évidemment. Quand l'elfe expliqua pourquoi le griffon avait agi comme ça, Envel fixa ce dernier de ses yeux violets, impassible.

- "Tu es bizarre."

Pour la première fois depuis longtemps, le jeune homme se permit un demi-sourire qui illumina un court instant ses yeux violets. Ce n'était pas encore un sourire véritable, mais ça valait déjà le coup.

- "Mais je t'aime bien. Quel est ton nom ?"

Ingwë demeura impassible, du moins en apparence, face au jeune homme.

# Faut dire qu’a te fréquenter Isas il est vrai que je ne dois plus être trop sain d’esprit.# Fit-il mi-figue mi-raisin, à l’adresse de l’elfe.

#Parce que maintenant ça va être ma faute !# S’exclama l’interpelé interloqué.

L’homme se mit alors à sourire :

# Jolie sourire…Enfin demi-sourire. Je parie qu’il fait des ravages…Mais peut être que ses gouts ne sont pas les femmes…Isas, tu devrais essayer de le faire sourire !#

Ce dernier eut un instant un air ahuri :

#Je rêve ou tu espères que je vais tomber amoureux de lui ?#

Il eut le droit à un clin d’œil de son ami.

# Tu ne sembles pas intéressé par les femmes que je te présente, et pourtant, Dieu sait si elles sont canons! Peut être que le problème ne vient pas d’elles, mais que s’est juste toi qui préfère les ho…#

#C’est bon, c’est bon Ingwë. J’ai compris. Laisse tomber et arrête tes délires tu veux ?#

Il haussa les épaules, si tant est qu’un griffon peut hausser les épaules.

# Tu lui réponds s’il te plaît ?#

-Il s’appel Ingwë. Eut Isas pour toutes réponses. Et toi ? Quel est ton nom ?

Le jeune homme, pour répondre à ses interlocuteurs, fixa un point imprécis entre les deux. Ne pas regarder les personnes à qui il parle était devenu une habitude chez lui. Cela donnait l'impression qu'il ne prêtait guère attention à elles, et énervait généralement tous ceux qu'ils rencontraient.

- "Je m'appelle Envel, Envel Silmaré. Mais puisqu'on en est aux présentations, continua-til en fixant cette fois l'elfe, quel est ton nom à toi ?"

Envel ne le regardait pas quand il répondit. Cela l’agaçait mais il n’en laissa rien paraître.
Il plongea son regard de chat dans ceux violets du jeune homme :

-Isas Eressëa.

Clair et précis. Restait à savoir s’il avait eu connaissance de son clan. Le clan portant généralement le nom du dirigeant. Autant dire qu’Eressëa était un nom connu chez ceux de la terre. Certains habitants des autres clans le connaissaient aussi d’ailleurs. Enfin bon, qu’importe après tout il n’en faisait pu parti.

Afin de combler le blanc qui s'installait Isas régénéra la branche brisée par Ingwë.

Envel écouta sans broncher la réponse du dénommé Isas. Puis il le regarda régénérer la branche brisée par son griffon.

- "Tu es du clan de la Terre."

Pas de question. Une affirmation. Toujours de la même voix monocorde. Bientôt viendra le moment où ceux qui lui faisaient face le prendraient pour une enveloppe humaine sans sentiments. Cela les dérangeraient. Ils s'en iraient.
Comme à chaque fois.

« Perspicace le bonhomme » pensa ironiquement Isas. Pensée qu’il s’apprêta à dire de vive voix. Ingwë, connaissant son bougon de maître l’interrompit d’un regard lui disant à peu près « Essai d’être sympathique pour une fois ».
L’elfe soupira et céda pensant cette fois-ci qu’il se laissait un peu trop dirigé par son griffon ces derniers temps:

-Et toi ? Ton clan, quel est-il ?

S’était pas hypra sympathique, plutôt brusque même. Mais s’était le mieux qu’on pouvait tirer d’Isas pour le moment.

La question. Envel fixait à présent le sol.

- "..."

Le jeune homme mit du temps à répondre. Et quand il parla, sa voix semblait aussi lointaine que son regard.

- "Du Feu."

Du feu. Du feu partout. Des cris...
Etait-ce une réponse, ou une réminiscence ?

Blanc.

Manque d'inspiration.

Isas n'était pas un bavard, loin de là. Et vu qu'Envel non plus... Il n'y avait pu grand chose à se dire. Mais bon ce n'était pas vraiment tracassant pour lui. Il avait fait plaisir à Ingwë maintenant il ne pouvait rien faire de plus.
Si le griffon voulait que l'autre reste c'était à lui de se débrouiller!

Isas retourna tranquillement s'asseoir contre un arbre. Soudain un vent agita ces êtres immobiles. Un vent? Non un débutant ou un non connaisseur l'aurait prit pour du vent. En réalité se sont les arbres eux-mêmes qui s’agitaient mal à l’aise. Isas sentit leur peur.

# Que se passe-t-il ? # Leur demanda-t-il sur ses gardes.

# Des coupeurs. Ils vont nous tuer. Nous allons tous mourir.#

Isas pouvait concevoir que les hommes coupent du bois pour se loger ou pour d’autres choses, même si lui se contentait de prendre du bois mort. Aussi répondit-il :

# Ils ne viendront pas jusqu’à vous. Seuls quelques uns d’entre vous allez mourir. Je ne peux rien faire.#


# Tu te trompes jeunes prince#

Isas grimaça, il n’était plus prince maintenant. La voix affolée de l’arbre reprit.

# Ces coupeurs, nous massacres tous pour ne prendre que notre cœur. Ils nous laissent ensuite agonisant jusqu’à notre mort aux côtés de nos camarades condamnés eux-aussi.#

Isas sauta sur ses pieds d’un coup. Ça il ne pouvait le tolérer. Sans prendre la peine d’utiliser la pensée il s’exclama :

-Ingwë, viens, dépêches toi ! Garde ta forme de combat !

Ce dernier s’exécuta. Mais avant de partir il donna un coup de tête à Envel, signifiant qu’il apprécierait qu’il les suivent, et partit au galop rejoindre son maître qui courait déjà à une vitesse clairement surhumaine.

Envel reprit pied avec la réalité lorsqu'Isas partit en courant et en criant à Ingwë de le suivre. Le griffon donna lui-même un coup de tête au garçon, indiquant qu'il aimerait bien qu'il les suive.
Haussant les épaules, Envel se mit à courir aux côtés du griffon. Sachant qu'il ne réussirait pas à rattraper Isas, il préféra se taire et attendre que l'elfe s'arrête.

Ingwë avançait à vive allure, pas trop cependant pour ne pas qu’Envel perde leurs traces. Enfin… peut être était-il un bon pisteur ? Mais il n’avait pas très envi de prendre le risque.
Il ne s’inquiétait pas pour son compagnon. Si Isas aurait eu besoin de lui il l’aurait dit immédiatement.
Le griffon jeta un bref coup d’œil au jeune homme à ses côtés. Etait-il endurant ?
« Oh puis zut ! » Pensa-t-il. « Tant pis s’il est trop fier pour accepter. »
Il freina légèrement, le temps qu’Envel soit parfaitement à ses côtés. Puis tout d’un coup il tourna vivement la tête dans sa direction, chopa son col, et le balança du mieux qu’il put sur son dos, il l’aida à se mettre en place en proposant sa tête comme marche pied. Priant pour que le jeune homme ait des notions d’équitation ou sache se cramponner jusqu’à destination.
Certes sur le coup il avait perdu de la vitesse mais maintenant il allait pouvoir en gagner.
Il parti comme un boulet de canon. Il sentit Envel déstabilisé sur son dos. En même temps il l’avait prit par surprise et seul Isas était habitué à ses départs fulgurants. Aussi ralentit-il un petit peu pour lui permettre de reprendre son équilibre et accéléra progressivement.
Isas ne s’encombrait pas de choses inutiles. Et Ingwë ne lui servait pas qu’à voler ! Le griffon était aussi, voir plus rapide qu’un dragon.

En parlant d’Isas…

L’elfe n’avait pas attendu Ingwë. Il courait à présent, seul. Il se doutait que son ami attendait l’autre, sinon il serait déjà à ses côtés.
Qu’importe ? Pour l’instant Isas traçait. Il suivait les indications que lui donnait la nature. Et pour perdre le moins de temps il faisait déplacer arbres, buissons et autres obstacles sur son chemin pour le remettre à leur place initiale dès son passage. Il allait vite et au plus court.

Il ne tarda pas à arriver. Pour un elfe comme lui, dont tout tournait autour de la nature, se qu’il vit fut digne d’une scène d’horreur…
Une vingtaine de troncs avaient été abattu et coupé en deux verticalement. Certains hommes avait par ailleurs commencé à dépouiller se qu’on appelait communément « le bois de cœur ». Le reste était laissé à l’abandon, à pourrir. Pour Isas, ce genre d’acte était équivalent à chasser un animal et à n’en prendre que la peau, laissant le corps gisant en pleine nature.
Un massacre.
Son premier réflexe fut de « soigner » et ressouder les arbres encore en vie. Ils étaient quatre. Les autres ayant été tué bien avant son arrivé.

Il y eu un bref instant d’incompréhension chez les bucherons, puis…Des cris de révolte et de colère. Pour qui se prenait-il ? De quoi se croyait-il permit ? Tous ceux qui protestèrent s’interrompirent d’un coup.
Isas avait lentement dégainé son katana et les fixaient de ses yeux verts de chats, cruellement.
Deux hommes reconnurent en lui l’elfe noir impitoyable du clan Eressëa. Ceux-là tentèrent une négociation, tout en reculant peureusement prêt à s’enfuir.
Mais Isas en avait décidé autrement.
Il avait compté huit hommes, huit bucherons, huit hommes à mourir.
Sans un mot il s’élança.
Deux hommes (ceux qui tentaient de fuir) moururent sans avoir eut le temps de pousser ne serait-ce qu’un cri. Les autres s’armèrent alors d’épées diverses, armes toujours à prendre par précautions, et se préparèrent à l’affrontement.

Isas nota du coin de l’œil l’arrivé d’Ingwë. Ce dernier s’arrêta. Complètement détendu. Il savait, en voyant les adversaires, qu’Isas n’avait absolument rien à craindre.

Envel ne s'attendait pas à ce qu'Ingwë le balance brusquement sur son dos avant de partir comme une flèche. Le garçon avait quelques notions, mais il n'était pas monté à cheval depuis...
Oui. Depuis ce jour-là.
Ingwë ralentit, ce qui permit à Envel de reprendre son équilibre. Arrivé près d'Isas, le jeune homme comprit pourquoi l'elfe était parti si vite.
Des bûcherons. Pour Envel, cela était "normal" de couper des arbres, pourvu qu'on utilise l'arbre entier. Mais ici, ils n'utilisaient que le coeur, laissant le reste pourrir. Pour quelqu'un du clan de la Terre, cela devait être intolérable.
Envel descendit du griffon et observa la scène de massacre avec son impassibilité habituelle. L'elfe en aurait sûrement vite terminé, c'est pourquoi le garçon se demanda s'il ne devait pas intervenir, histoire d'en sauver quelques-uns.
Un regard d'Ingwë lui fit comprendre que c'était inutile.

Plus que six.
Isas marqua un bref instant d’hésitation. Ce qui donna aux autres un répit pour reprendre quelques peu leur esprit.
L’elfe sourit…et rangea paisiblement (du moins en apparence) son arme après l’avoir nettoyé. Les hommes crurent un court moment qu’il se soumettait face à leur supériorité numérique. Ils sourirent, un sourire machiavélique.
Isas fit de même.
Les bucherons se stoppèrent nets. Ce simple sourire montrait le fossé qui les séparait. Le sourire d’Isas montrait à quel point il avait l’habitude de tuer, de prendre des vies.
L’elfe avait tout simplement fait son choix. Ses hommes avaient fait périr des arbres. Quoi de plus juste que les arbres les fasses périr ? Pourquoi pas ceux qu’ils avaient tué ?
Isas tendit la main. Les arbres découpés se redressèrent alors. Des lianes se créèrent et entrainèrent les hommes dans le cœur désormais vide des arbres. Ceux-ci se refermèrent.
On entendit d’abords des cris étouffés de terreurs, ceux d’une violente agonie. Puis plus rien. Le vide.
Les troncs retombèrent au sol avec un bruit mat et se rouvrirent. Dévoilant les corps ensanglanté des bucherons. Isas avait fait naître dans ces arbres d’énormes pics qui avaient transpercé de part en part et à divers endroits les hommes encore en vie à cet instant.
L’elfe noir se tourna alors vers les deux autres :

-Le problème est réglé. Dit-il simplement.

- "Bon."

Envel arrêta de faire tournoyer son arme étrange, et la rangea avec un claquement. Durant le combat, il avait dû admettre que les méthodes d'Isas s'avéraient particulièrement macabres.
Il avait vu pire.
Se redressant, il passa la lanière de son sac par-dessus son épaule et se tourna vers l'elfe.

- "Nos chemins se séparent ici, je suppose."

Le jeune homme prit le temps de donner une tape amicale au griffon.

- "Salut, Ingwë."

Ramassant un énième morceau de bois et sortant un poignard, il commença à s'éloigner, sculptant distraitement une figurine dont la forme ne laissait aucun doute, tout comme la finalité de son oeuvre, comme toujours...

Isas hocha la tête. Depuis le début ils n’avaient pas grand-chose à faire ensemble de toute façon. Il se retourna et parti dans sa propre direction.
Ingwë donna un petit coup de tête en direction d’Envel pour lui rendre son salut. Il le regarda un instant partir puis disparaître dans les bois. Il rapetissa alors, prenant la taille d’un chien et parti tout content d’avoir un nouvel ami en suivant Isas. Il enjamba sans ciller les cadavres et reparti faire le fou aux pieds de son maître faussement exaspéré.


HJ/ On ferme?

HJ : yep