Quand Aïla se tourna vers Tielsvak, un bol fumant à la main, le cerf leva la tête. Nul doute qu'elle s'adressait à Sán... Ledit était encore immobile, la tête sur les genoux.

# Sán... #

# Elle est vraiment gentille... Allez, vas-y. J'irai chasser cette nuit. Sán, tu y vas ? #

L'image immatérielle du garçon leva la tête, et se redressa.

# Ouais... # soupira-t-il doucement.

Le cerf disparut, laissant place à Sán qui saisit le bol que lui tendait Aïla et s'assit silencieusement.

"Merci, Aïla."

Le jeune homme commença à manger sans grand appétit. Cependant, c'était délicieux, et il ne manqua pas de le dire à Aïla, accompagnant son compliment dans léger sourire, aussi éphémère que l'éclat qui avait un instant animé son regard gris.
Ayant fini de manger, il s'allongea sur le dos, les yeux fixés sur la voûte étoilée.
Une âme pour une étoile. Où se trouvaient celles de ses parents, de Lisën, de Felnor ?
Sa gorge se serra.
Cette mort leur avait-elle apporté la paix ? Lâchement assassinés, laissant derrière eux leur seul enfant, n'avaient-ils pas le sentiment du devoir non accompli ? Erraient-ils sans fin, fantômes du passé, à la recherche d'un apaisement qu'ils ne trouveraient pas ?
Ni Akela ni Tielsvak ne pouvaient supporter de voir leur compagnon si abattu. Le loup l'interrompit brutalement dans ses pensées, déclarant :

# Je vais chasser. #

D'un ton qui n'admettait aucune réplique.
Sans résistance, Sán lui laissa sa place avec reconnaissance.
Le loup gris se secoua, grisé à l'avance d'une bonne poursuite. Il se tourna vers Aïla :

# A tout à l'heure, princesse. #

Puis bondit en avant, et disparut dans la nuit.

Aïla lui sourit :

"Tout le plaisir est pour moi !"

Et quel plaisir de le voir sourire à son tour !
San finit rapidement de manger, bien avant Aïla qui s'était assise à côté de lui. D'un autre côté, Aïla ne mangeait vraiment pas vite, on le lui avait souvent dit et elle le savait. Mais après tout, elle avait tout son temps...
Alors qu'elle terminait justement, le jeune homme s'effaça soudainement pour laissait place au grand loup.

# A tout à l'heure, princesse. #

Aïla hocha la tête en réponse, ne pouvant cacher son inquiétude au sujet de San. Le loup disparut. La jeune femme se releva en finissant la poignée de baies qu'elle tenait dans ses paumes, et tourna lentement autour du feu.
Elle avait toujours trouvé la danse des flammes hypnotisante. Elle resta là, perdue dans ses pensées, à le fixer pendant plusieurs minutes, avant de finalement s'en détourner. Aïla libéra ses cheveux et attacha de nouveau le ruban à son poignet. Elle lava les bols dans le fleuve, puis les rangea. En même temps, elle sortit ses couvertures et en étala une sur le sol, dans l'herbe rase.

Le feu avait consummé tout son bois. De rares flammes s'élevaient encore des braises, crépitant doucement dans le silence de la nuit. Silence ? Bien sûr que non. L'eau coulait en clapotis légers, l'herbe murmurait sous le Vent faible de cette nuit. Dans les buissons dont regorgeait la berge, les animaux nocturnes s'aventuraient. La respiration de Neyle était calme et régulière près des cendres. Un oiseau de nuit fit bruisser ses ailes.
Aïla regarda son ombre passer devant les étoiles. Son regard vert dans l'immensité du ciel, elle était allongée, immobile, et pourtant incapable de s'endormir.

Akela ne revint au camp qu'à une heure avancée de la nuit, le ventre plein mais l'esprit tourmenté. Il s'arrêta un instant devant les braises, les lumières rougeoyantes dansant dans ses yeux jaunes.

# Sán... Tu dors ? #

Soupir.

# Non. Je vais prendre ta place. Bonne nuit, Akela. #

# Bonne nuit petit. Tâche de dormir un peu. #

Sán acquiesça doucement. Il apparut devant ce qu'il restait du feu, s'assit, se débarrassa du fourreau accroché dans son dos. Son regard argenté fixa les flammes mouvantes, belles et silencieuses.
A quoi pensait-il ?
Ses deux compagnons endormis, il ne restait plus personne pour le dire.
Sán jeta un bref coup d'oeil à Aïla. Allongée sur le dos, elle avait les yeux grands ouverts.
Le jeune homme se leva et alla rajouter quelques branches dans le feu. Puis il s'allongea sur le côté, observant un cours instant le profil d'Aïla éclairé par les flammes, avant de fermer les yeux et de tenter de trouver le sommeil.

HJ/ ouille ! je suis très inspirée, ça risque d'être un malheur ! ^^"



Akela était revenu. Aïla entendait le bruit de ses pas feutrés dans l'herbe. Puis elle devina que San avait pris sa place. Des ombres mouvantes se jetèrent sur le sol. Il s'était assis près du feu. Il s'allongea, et Aïla sentit un instant son regard posé sur elle. Il la regardait ?
Etonnée, elle tourna le visage dans sa direction. Le jeune homme avait déjà fermé les yeux. Il ne dormait pas, elle s'en rendait compte. Surement aurait-il du mal à trouver le sommeil. Mais elle ne savait pas comment l'aider. Peut être, quelques mois auparavant, l'aurait-elle simplement pris dans ses bras dans un de ses mouvements spontanés remplis de tendresse. Elle ne le pouvait plus.
Impuissante et triste, Aïla ferma les yeux également, se retournant comme le jeune homme sur le côté. Le Vent les berça doucement de ses murmures, et elle s'endormit.


HJ/ et voilà, qu'est ce que je disais... TT-TT
Hey ! Continuons au fleuve, non ?