Une grosse bourrasque sembla les pousser.
Les diriger.
Les guider.
Direction la forêt rousse alors ?
D’accord ! C’est parti !
Isas accepta donc le choix de la nature et s’y dirigea.
La pluie ne cachait pas le soleil mais presque. Au bout de quelques temps de marche l’elfe se posa. Pas qu’il soit fatigué. Mais il n’était pas pressé et n’avait pas de but précis…alors à quoi bon courir ?

- Tu as faim ? Demanda-t-il en faisant apparaître tout une flopée de fruit divers sur un même arbre.

Il se servit.

Le Vent les avait guidé. Dans la forêt rousse. Un endroit comme un autre. Isas s'arrêta, bientôt imité par Soya. Sans répondre, elle cueillit un des fruits qui ressemblait à une poire mais qui, quand elle croqua dedans, lui fit comprendre qu'elle s'était gravement fourvoyé.
L'atmosphère était paisible. Il faisait doux, bien qu'il pleuvât un peu.
La jeune femme se laissa tomber dans l'herbe, sur le dos, et regarda Isas par en-dessous.

- "Du peu que je connais de toi, je t'estime plutôt solitaire... Tu n'en as pas marre, de voyager avec moi ?"

Mouarf.
LA question qui tue.
Théoriquement il devrait répondre oui.
Oui.
Il fallait qu’il réponde oui.
Mais…
L’elfe soupira.
Prit son temps pour répondre :

- Solitaire…On peut dire ça. C’est surtout que je n’aime pas être avec les gens égocentriques, futiles et désagréables. Parce que sinon…Je passe tout de même mes journées avec Ingwë. Bien qu’il soit souvent sujet à s’intéressé à des futilités !

Regard noir vers le griffon. On ne se demandait plus vraiment quel genre de futilités… Le concerné eut un regard innocent. Qu’avait-il encore fait ? Semblait-il questionner :

-En ce qui te concerne…Disons que j’ai moins de mal à te supporter que les autres.

Soya sourit, s'étira.

- "Je ne demande pas plus. Ça me va."

La jeune femme se leva, alla fouiller dans son sac. Elle en ressortit un tissu rouge qu'elle observa avec surprise.

- "Oh..."

Lorsqu'elle avait reçu Isïl pour ses 18 ans, ses premiers gestes avaient été de rassembler ses affaires, de tout fourrer dans un sac et de ses jucher sur la pyrocorne, malgré les protestations véhémentes de ses parents. Ils lui avaient donné un moyen de partir... Plus rien ne la retenait ! Elle était libre.
Mais, alors qu'elle s'était apprêtée à lancer la jument au galop, son père l'avait retenue par un bras, implorant, en lui tendant un bout de tissu rouge auquel Soya avait à peine jeté un coup d'oeil.

- "Si tu pars, prends au moins ça ! C'est mon cadeau d'adieu."

Soya l'avait pris. Mais elle l'avait fourré dans son sac, et oublié.
Et maintenant, elle l'observait d'un oeil intriguée.

- "Je reviens," lança-t-elle à l'intention d'Isas.

Elle s'enfonça entre les arbres, les cadeau de son père dans les mains, jusqu'à ce qu'elle fusse suffisamment éloigné. Là seulement, elle put secouer le tissu et le découvrir véritablement.
C'était une robe. Un peu froissée, après 3 ans passés dans son sac, mais belle. Très belle, même. Exactement du style de ce que Soya pourrait porter.
La jeune femme eut un fin sourire. Son père était moins égoïste et égocentrique que sa mère, et il connaissait ses goûts. Il avait bien fait d'insister.
Mais lui allait-elle encore ?
C'est dans cette esprit que la fée se déshabilla, avant de passer sur elle le fin tissu qui épousait parfaitement ses courbes. Décidemment, son père avait eu l'oeil jusqu'au bout.
Soya referma la robe dans son dos à l'aide de rubans entrelacés puis porta un regard critique sur cette dernière.
Pas mal.
Franchement pas mal, même.

Spoiler:

La jeune femme eut un sourire appréciateur, puis, après avoir observé la robe rouge encore quelques instants, tira sur les rubans qui la refermaient.
Son dos apparut alors. Et avec lui, la multitude de cicatrices qui le recouvraient.

Soya se leva subitement et disparût avant que l’elfe n’ait eu le temps de dire : « ouf ». Il resta donc sur place complètement à la ramasse.
Mais bon, apparemment elle revenait.
Il se décida donc à attendre en s’adossant à un arbre.
Toutefois le temps passait. Il passait et la jeune femme n’était toujours pas de retour. De son côté Isas commençait sérieusement à s’impatienter. Qui plus est le souvenir de l’agression d’Ingwë était toujours très présent.
Il pesta et se releva. Tant pis pour elle, il allait la chercher !
L’elfe se mit donc en chemin, suivant la fée à l’odeur.
Isas marchait-vite. On pourrait presque dire qu’il courrait. Presque. Conservons un peu de dignité tout de même.
Il la vit, enfin. Il ralentit sa démarche. Elle devint d’un silence absolue, pas qu’il chercha à la surprendre. Mais c’est juste quelque chose qui était devenu un reflexe pour lui. Toujours conserver l’effet de surprise.
La femme lui apparût. Elle avait changé de vêtement ? Pourquoi faire ? Elle était bien une femme tiens !
Malgré tout il eut un moment de blanc en la voyant.
Magnifique.
Splendide.
L’elfe perdit son air furieux, impassible, arrogant ou n’importe quoi d’autre pour avoir un air d’enfant fasciné peint sur le visage.
Soyalova était belle.
Puis elle tira sur les rubans de sa robe. L’espace d’un instant il voulu se retourner. Retourner là où il devait l’attendre. Lui laisser son intimité. Mais quelque chose l’arrêta. Une vision qu’il n’apprécia guère.
Son dos était couvert d’horribles cicatrices.
Il sursauta. Ses yeux devinrent sombres. Sans plus se soucier de discrétion il se précipita vers elle :

-Qui t’as fais ça ? Hurla-t-il. Où est-il ? Pourquoi ?

Il la saisit par le bras, presque violement, peut être douloureusement ? Dans ses accès de colère notre elfe ne maîtrise pas toujours sa force. Il la força à se tourner vers lui. A le regarder dans les yeux. Il voulait savoir. Il voulait la vérité. Il voulait tuer le responsable.
Isas écumait de rage...

Soya tira sur les rubans de sa robe.
Et une voix furieuse éclata derrière elle.
La jeune femme sursauta. Elle eut à peine le temps de se retourner qu'Isas la saisit par le bras.

- "Qui t'a fait ça ? Où est-il ? Pourquoi ?"

Soya tenta de le repousser, en vain.

- "Isas, lâche-moi ! Qu'est-ce qui te prend ?"

Elle croisa son regard. Dans ses yeux à lui, il y avait de la rage. dans ses yeux à elle, de la peur.
Il les avait vues.
Les cicatrices qu'elle tentait d'oublier depuis trois ans.

Soya avait peur ? Encore ? Pourquoi ? Isas s’énerva encore plus :

- Qui !? Qui t’as fait ça ?!

Elle ne voulait pas lui répondre ? Mais ne lui devait-il pas la vie d’Ingwë ? Ne lui avait-il pas affirmé qu’il la protégerait ? Avait-elle encore des doutes quand à sa force ? Ne l’avait-elle donc pas vue se battre contre la horde de démon lors de la dernière bataille ?

-Je ne suis pas faible ! Hurla-t-il. Alors dis-moi qui ?!

Il insistait.
Et pas qu'un peu.
Soya ne l'avait jamais vu aussi furieux.
Mais pourquoi ? Qu'est-ce qu'il avait avec ça ? Qu'est-ce qui lui prenait ?
La jeune femme serra les poings. Elle se dégagea avec violence.

- "Tu veux vraiment le savoir ? hurla-t-elle à son tour. C'est celui que tu as vu dans ma chambre !"

Elle se détourna, refoulant à grand peine des larmes de peur et de douleur.

- "Et deux autres..."

Elle avait dit cette phrase tellement bas, qu'Isas n'avait probablement pas entendu.

- "Fiche-moi la paix, Isas."

Sa robe serrée contre elle, Soya s'éloigna.
Elle pleurait. Encore.
Elle en avait assez.

L’attitude de Soya laissa Isas en plan. Sa main était toujours suspendue en l’air. Elle ne tenait plus rien, mais il se refusait à la laisser tomber.
Maintenant il savait qui mais pas où ?
Le pire toutefois. Le pire, était les larmes de Soya…
Quoique, non. Le pire n’était pas les larmes. Le pire c’est que c’est lui. Lui. Isas. Qui avait fait pleurer la fée…
Sa main retomba mollement à ses côtés. Inerte. Il voulût s’avancer d’un pas. Mais une voix familière le retint. Une voix d’ordinaire joyeuse et insouciante. Ingwë :

# Bravo.# Fit griffon avec une pointe amer d’ironie. # Tu as excellé pour la consoler.#

L’elfe se retourna vers son compagnon :

-Oh ça va toi !

# Non ça ne va pas. Tu commence seulement à t’attacher à une personne et dès que je te laisse seul tu fous tout en l’air.#

-Je n’ai pas besoin de m’attacher à quelqu’un. Répondit-il. C’est peut être mieux comme ça si nous ne nous revoyons pas.

Et pourtant. L’air abattu et triste malgré lui de l’elfe le démentait pleinement :

# NE TE FOUS PAS DE MOI !#

Le griffon avait brusquement fais un bond en avant. Taille immense. Plume et poiles hérissés. Isas n’avait pas bougé. Son regard était froid. Le bec acéré à quelques centimètres de l’elfe. Les deux amis se défiaient tout deux :

# Arrêtes de te mentir sans arrêt ! Tu veux être seul ? Tu veux tuer tous ceux que tu croises ?! Alors pourquoi essai tu tant que ça de dialoguer avec eux quand tu croises quelqu’un qui veut te parler !? Pourquoi toi qui est si peut influençable, te laisses-tu tant diriger par moi quand il s’agit de faire connaissance avec les gens ? TAIS-TOI !# L’interrompit le griffon avant même qu’Isas ne réplique. # Tu te prônes libre. Oui c’est vrai. Même les rois, les reines ou les princes ne te feront pas céder si tu n’en a pas envi. Alors pose-toi seulement cette question ! Pourquoi obéis-tu si gentiment à un simple griffon quand il s’agit de faire quelque chose qui, d’apparence, d’agaces autant ?#

Isas devait répondre. Il inspira pour cela. Bloqua sa respiration. Chercha :

# Et ne me dis pas que la seule raison est parce que je suis ton ami. Tu m’as déjà refusé plein de choses…#

Chose incroyable. Isas semblait perdu. Chose plus incroyable encore l’elfe baissa la tête en expirant son surplus d’air :

-Tu as peut être raison…Concéda l’elfe.

# Il n’y a pas de peut être.# Répondit Ingwë doucement.

Isas était calmé. Mais son esprit était perturbé. Le griffon lui donna un petit coup de bec dans l’épaule :

# Hé ! C’est pas la fin du monde non plus.#

Il réussit enfin à arracher un pauvre sourire à Isas.

Soya avait marché. Longtemps.
En chemin, elle s'était changé. Avait presque arraché cette robe qui avait tout déclenché.
Puis elle était revenue au camp. Elle se laissa tomber à terre, devant Isïl. Celle-ci lui souffla tendrement dans le cou.

# Soya... #

La jeune femme fixait le sol, les yeux vides.

# Mais pourquoi je suis aussi faible ? #

La pyrocorne releva la tête.

# Arrête ça, Soya ! Tu es forte. Mais n'importe qui perdrait ses moyens au souvenir de ce que tu as vécu. #

Elle la poussa gentiment du nez.

# Allez, Fille des Eléments ! Reprends-toi ! Tu n'es plus seule, maintenant. #

Soya eut un pâle sourire.

# J'essayais d'oublier, et voilà qu'en l'espace de quelques jours, deux événements rappellent mes cicatrices à mon bon souvenir. #

# Tu ne peux pas oublier, et tu le sais très bien. mais maintenant, tu as quelqu'un qui pourrait parfaitement t'aider à... #

La jeune femme leva la tête, et fixa sa jument d'un air choqué.

# Mais ça va pas ! Qu'est-ce que vous avez, avec Ingwë, à la fin ? #

Isïl détourna la tête d'un air innocent, puis poussa un long hennissement moqueur. Malgré elle, Soya rit aussi.
Un peu.
Puis elle fixa l'endroit vers où elle s'était éloignée. Elle espérait qu'Isas n'avait pas trop mal pris sa réaction.

# Et si nous retournions voir Isïl ? Je ne sais pas ce qu’il en est de Soya mais elle ira forcément la retrouver. Ça te donnera l’occasion de vous expliquer tout les deux.#

Isas tournicota sa bouche dans un : « Je ne sais pas trop si j’ai envie d’y retourner tout de suite » mais Ingwë ne lui laissa pas le choix et le traina (ou plutôt le poussa) en direction de leur campement.
Bon gré, mal gré, les deux compagnons furent de retour.
Soya était déjà là. Zut :

-T’es revenue apparemment. Constata l’elfe avec une grande perspicacité.

Et sans un mot de plus, sous l’œil exaspéré d’Ingwë, il se rassit à sa place d’avant en prenant un autre fruit.

- "Je suis revenue, oui."

C'était tout. Elle resta un instant silencieuse, fixant le sol avec obstination. La tension était presque palpable.
Puis elle n'y tint plus. Relevant la tête et braquant ses yeux ambrés sur Isas, elle se lança.

- "Pourquoi... Pourquoi as-tu réagi comme ça, tout à l'heure ?"

Isas enfonça son visage dans ses mains. Il expira doucement, il prenait son temps avant de répondre :

- Je ne sais pas.

Il soupira de nouveau. Ingwë s’amusait drôlement de son côté à voir l’elfe devoir se dépatouillé alors qu’il n’était même pas clair dans ses sentiments :

-Je veux juste t’aider depuis que tu m’as aidé… Et ça m’a profondément énervé que tu ne me considères pas comme suffisamment fort pour cela.

HJ : message pour rien, pour que l'écriture de Soya soit plus lisible ^^

La jeune femme eut un demi-sourire.

- "Je t'ai toujours considéré comme suffisamment fort... Mais ce à quoi je fais face est bien plus qu'un simple règlement de comptes."

Elle resta un instant silencieuse, puis jeta un regard de biais à Isas.

- "Mais merci de vouloir m'aider."

# Et maintenant, enchaîna isïl, tu t'approches sensuellement, tu le sers dans tes bras pour le remercier et plus si... #

La jument manqua se prendre une baffe. Elle se retira vivement, puis alla rejoindre Ingwë en soupirant d'un air faussement désespéré.

# Décidemment, ça ne va pas être facile... #

-Alors qu’est-ce ? Demanda Isa à la fée.

Brusque coup de tête de la part d’Ingwë :

-Mais si tu ne veux pas me le dire tu n’es pas obligée. Se reprit-il en se massant l'épaule.

L’elfe leva alors un sourcil. Pourquoi la jument avait-elle manqué de s’en prendre une ?

-Un problème ? Fit-il.

De son côté Ingwë répondit à Isïl :

# J’ai effectivement, comme l’impression, qu’on va plutôt bien galérer… Mais si ça peut te rassurer Isas fait des progrès.#

Soya jeta un regard noir à Isïl.

- "Non, non. Aucun problème."

# J’ai effectivement, comme l’impression, qu’on va plutôt bien galérer… Mais si ça peut te rassurer Isas fait des progrès.#

Isïl ronfla, mécontente.

# Alors que Soya aurait plutôt tendance à régresser. Tu l'aurais vu, avant ! Une vraie séductrice. Si je tenais les ordures qui ont tout changé... #

Elle jeta un coup d'oeil à la jeune femme, redevenue silencieuse.

# Ils l'ont détruite. jamais je ne leur pardonnerai. #

#Isas la reconstruira !# Affirma le griffon avec aplomb. # Enfin…s’il daigne ouvrir les yeux.#

Ce dernier les avait actuellement grand ouverts pourtant. Mais pas sur son esprit… Il observait attentivement une petite ribambelle de fourmis voyageant entre les brins d’herbes.
Il se releva :

-Bien ! Je suppose que nous allons lever les voiles. Ingwë ?

L’interpellé suivit alors le mouvement, un peu à contre cœur il faut l’avouer. Mais s’exécutant tout de même :

#On se reverra.# Fit-il à tous.

# Je peux te l’assurer.# Précisa-t-il à Isïl.

La lueur malicieuse qui brillait dans son regard prouvait bien qu’il était prêt, pour réussir, à utiliser n’importe quels moyens !

# Oh que oui ! répliqua Isïl, une lueur de défi dans le regard. On finira bien par réussir ! #

Soya, de son côté, eut un sourire las. Décidemment, elle avait vraiment jeté un froid...
Quelle imbécile.

- "Isas, Ingwë... Bon vent. J'espère qu'on se reverra."

- Moi de même. Répondit sobrement Isas.

Le griffon se fit plus chaleureux et les salua de la tête :

#A plus !# Lança-t-il gaiment.

Les deux compagnons disparurent alors dans la forêt.

HJ/ On ferme?